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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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devons accomplir en Espagne, nous pourrons tous, sir Hugh Calveley, toi, moi, ton gendre et vos soudoyers, passer par Bordeaux, nous aisément, vous avec un sauf-conduit. Ainsi tu peux revoir aisément ta cousine.
    –  Je ne peux pas, je pourrais…
    –  Oh ! Vous, les Franklins, avec vos verbes et vos doutes !
    Shirton souriait, mais à peine, comme s’il avait peu de mots, de verbes à sa disposition et s’en trouvait contristé. Sa senestre retomba en un geste de lassitude dont Tristan ignora la signification jusqu’à ce que l’archer eût dit :
    – Ethelinde est moins distante que ta cousine. J e l’ai croisée de temps en temps. Elle m’a parlé… m’a dit du bien de toi. Je crois que tu…
    Tristan se sentit importun et recula de quelques pas pour entendre tout de même :
    – Tu as marqué sa vie.
    – Je ne vois pas en quoi. Nous n’avons jamais couché… Que devient Odile ?
    – On la voit quelquefois avec Thomas Percy, un écuyer dont je ne sais rien… Mais on la voit aussi, souvent, avec des dames. Des épouses de chevaliers qui s’ennuient, boivent autant que les Gallois et bâillent par leur bouche et leurs lèvres d’honneur.
    Tristan sourit : c’était bien formulé. Il allait rejoindre son beau-père lorsque Paindorge apparut, suivi d’un homme en haubergeon, coiffé d’un camail démaillé le long d’une joue : Sylvestre Budes (524) qui, de loin commanda :
    – En selle, messires !… Et toi, l’archer, apprend que Calveley te cherche.
    Il cherchait, lui, à se donner de l’importance. Shirton s’éloigna en sifflotant avec une insolence que le cousin de Guesclin ne perçut point. Et déjà des hommes avançaient, soit à pied, soit à cheval.
    –  Allons-y, dit Ogier d’Argouges. Veillons au grain, Tristan, parmi l’ivraie qui nous entoure.
    Ils n’avaient pas fait trois pas que Guesclin se plantait devant eux :
    – Eh bien, les preux ?… Disposés, toujours, à me suivre ?
    – Puisque le roi l’exige… dit mollement Tristan.
    Le Breton les avait immobilisés, son beau-père et lui, sur une éminence qui, en pente douce, dévalait vers le ramassis d’hommes de guerre dont la puanteur pénétrait jusqu’à leurs vêtements. « Que va-t-il nous dire ou nous enjoindre ? » se demanda Tristan. L’état d’Ogier d’Argouges l’inquiétait. Shirton avait plongé le seigneur de Gratot dans un passé d’où il semblait avoir du mal à s’extraire.
    – Agar 224  ! dit Guesclin. Les capitaines sont réunis pour les dernières parlures. Il y a là, faut le dire, la Fleur de notre ost : des grands et des petits, des gros, des maigres, des boiteux, des goffes 225 , des gobins 226 , des borgnes… Regardez, là-bas, Gourderon de Raimon 227 qui a guerroyé en Bretagne et que je n’aime pas…
    –  Car tu es capable d’amour ? interrogea Ogier d’Argouges.
    Évidemment sourd, le Breton poursuivit :
    – Et ces trois emplumés : Yvon Budes, Auffroy de Guébriant, Yvon Duant. Et à côté, Thibaut du Pont, Alain de la Houssaye, Jean Kerlouet, Guillaume de Laval, Jacques de Pénéodic, Maurice de Trésiguidy, Alain de Beaumont et Yvon de Lacoué, Alain Raoulet.
    Tristan, d’un geste, interrompit ce commentaire :
    – Tes Français sont surtout des Bretons.
    – Tu y trouves à redire ? ;
    Plutôt que d’être menaçant, Guesclin riait.
    –  Tu vas les voir à l’ouvrage… Et aussi les Goddons… Regarde, ils sont nombreux auprès de Calveley  : John Cresswell, Robert Birkhead, Robert Scott, Bernard de la Salle, Arnaud du Solier… !
    – Il est du Limousin !
    – Renaud de Vigneulles… Matthieu de Gournay, Walter Huet, John Devereux, William Ludlow, William Butler, Norman Swinford, Robin de Adès et Stephen de Cosington, qui est dévoué au fils d’Édouard…
    – Je ne vois pas Olivier de Mauny, ton inséparable cousin.
    – Il nous rejoindra (525) .
    Guesclin se frotta les mains : la guerre s’annonçait belle et bonne.
    – Les Juifs vont nous sentir passer !
    –  Pourquoi les détestes-tu à ce point ? s’étonna Tristan, sur ses gardes. Que t’ont-ils fait ?
    – Rien à moi et tout à tous… Souviens-toi de la morille 228 noire et des puits et rivières qu’ils ont envenimés. Ces gens vivent et se multiplient dans la vermine…
    D’une main, Ogier d’Argouges intima le silence au Breton :
    – La vermine ?… Parlons-en… As-tu oublié ton demi-suzerain adoré, Charles de Blois, couvert de

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