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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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devant la cible, à un pas de distance afin de lui laisser sa plantation de flèches. La goutte d’or vibrait et le suif, débordant de la bobèche, tombait parfois sur sa main en larges gouttes brûlantes.
    – Holà ! Holà ! dit Guesclin. Tu peux éteindre cette chandelle en soufflant dessus par ton nez !
    Dame Carmen fit un pas :
    – Baillez-moi, messire, ce chandelier… Vous, messire Dénia, offrez-moi, je vous prie, un des gants que vous portez serrés à votre ceinture…
    Guesclin, muselé, croisa les bras. Dame Carmen s’agenouilla lentement, comme elle le faisait sans doute en son oratoire, et tenant fermement le chandelier sans s e soucier des gouttes qui souillaient le velours dont sa dextre était couverte, elle sourit :
    – Allez, messire Argouges.
    Elle fermait les yeux. Elle entendit le frissement des plumes de l’empenne ; des plumes tirées du plumage de ces oies grises que célébraient la chanson des archers anglais. Quand elle ouvrit les yeux, la flamme était mouchée, la mèche fumaillait. Dame Carmen la pressa du pouce et de l’index, puis se releva, aidée par Tristan qui lui tendait la main.
    – Il l’a fait ! s’écria Shirton en étreignant Ogier d’Argouges avant même que celui-ci lui eût remis son a rc.
    –  J’en étais sûre, dit dame Carmen. C’était d’une sublimité comme oncques n’en vit…
    – Qu’en dis-tu, Breton ? demanda Calveley à Guesclin.
    Lionel avait perdu son air dégagé. Tristan comprit qu’il se sentait personnellement insulté par ce coup d’audace. Ogier d’Argouges, lui, tremblait de tout son corps. En tirant à l’arc auprès de Shirton et de Calveley, avait ressuscité le passé. Des images connues d’eux seuls envahissaient leur mémoire, de sorte que Shirton put dire tout à coup, sans trop baisser la voix tant il était heureux :
    – Si Griselda te voit, elle est fière de toi.
    Qui était cette dame ? L’amie de l’archer ? Une anglaise dont Argouges avait été l’amant lors de son otagerie sur la Grande île ? Ces événements-là concernent ces trois hommes. Tristan décida de ne point s’immiscer dans le plaisir qu’ils partageaient sans doute parts égales.
    Les convives regagnèrent leur place. Le murmure admiratif subsistait. Une sorte d’orage était passé sur tous ces gens différents par leur esprit et leur condition.
    Tristan n’éprouvait, lui, au sortir de cette épreuve, qu’une stupéfaction sans bornes : il n’avait jamais soupçonné cette qualité d’archer – et d’archer hors pair -chez un homme qu’il admirait pour d’autres raisons parmi lesquelles la guerre occupait une place importante. Par suite, entendre vanter, prôner la précision d’un geste et d’un coup d’œil fameux commençait à l’irriter. Son regard indécis se fixa sur Inès. Sur des seins qui pointaient sous la corbeille du corsage comme des bourgeons de printemps. Observant cette main qui s’était hardiment posée sur sa cuisse, il rendit hommage à la beauté de ces doigts nus, longs et fermes. « Pas si beaux que ceux de Luciane », songea-t-il. Comme son épouse paraissait éloignée de lui, désormais !
    – Quelle merveille de voir un baron de France accomplir un prodige avec une arme de…
    – Une arme de huron, dit Tristan. (Et, penché vers son beau-père :) Je me réjouis de cette appertise, même si vous avez versé du vinaigre sur une plaie qui suppurait.
    – Hélas ! Je le sais bien. Cette leçon m’a semblé nécessaire pour Guesclin, qui m’avait offensé. Pour ce Lionel en lequel je ne reconnais rien…
    Sans doute le chevalier normand eût-il ajouté «  de moi  », mais c’eût été provoquer des questions de dame Carmen et de sa fille.
    On s’exclamait encore, çà et là. Audrehem semblait grommeler, mais c’était sans doute contre la carence d’un sommelier qui n’emplissait pas sa coupe. Guesclin, Orriz, Jean de Neuville supputaient à présent la valeur des ustensiles d’or et d’argent répartis sur la table. Ah ! S’ils avaient pu emporter sous leur pourpoint et dans leurs chausses une saucière, une aiguière, voire, simplement, une cuiller ou une poivrière !
    Pierre IV se pencha sans pouvoir dissimuler la morosité dissimulée sous son sourire :
    – Messires, et vous, mes dames, je n’en crois pas encore mes yeux. Je pensais que l’arc était l’arme des piétons. Je sais, désormais, qu’il n’en est rien. Messire Argouges est un chevalier

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