Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
une religion dont il craignait qu’elle ne tombât un jour en débris puisque ceux qui avaient mission de la ré pandre et l’exhausser chez les faibles se conduisaient en idolâtres. Et quels dieux ! Guesclin, Enrique, Tello, Bourbon… Tant d’autres ! Les tumultes et hurlements de la veille pénétraient toujours comme autant de couteaux oreilles et ses moelles.
    – Ils recommenceront demain, après-demain…
    Il redoutait que les forfaits commis au nom du Christ envers les Juifs ne fissent de ceux-ci de nouveaux ad vers aires du Trastamare et que ceux qui avaient refusé de s’allier à Pèdre ne décidassent d’embrasser sa cause. Y aurait-il bientôt une bataille en grand champ au lieu des r épugnants assauts donnés à des cités qui eussent pu devenir accueillantes même si, un temps, elles avaient tenu pour un roi après tout légitime ? Il la redoutait, cette bataille. Il craignait de devoir y participer avec Alcazar, Malaquin, Coursan et tous les chevaux et compères qui, comme lui, se morfondaient dans la froidure d’un pays qui ne finissait pas. Jamais, s’il revoyait la France, s’il revoyait Luciane et ses amies il n’oserait leur énarrer le siège de Briviesca. Seul Tiercelet serait son dépositaire…
    Il avait quitté le camp. Devant lui s’étendait un grand pré sans clôture. Le regard porté à cinq ou six toises, Tristan considéra les touffes d’herbe drue, courbées par rosée, désembellies çà et là par les phlegmons de quelques taupinières. Galoper, oui, mais prudemment. Tout comme Alcazar, sans doute, il sentait avec la forme son corps la limite des possibilités que son oisiveté concédait.
    – Cours, compère ! Courons !
    Ils galopèrent droit devant eux, vers un petit bois touffu dont le feuillage d’un vert léger venait à peine ressusciter. Parvenus sur son seuil, ils bifurquèrent coururent vers le campement. Ils firent demi-tour encore et prirent le trot.
    – Tu es mieux ?
    Le cheval semblait gai maintenant. Un peu de jambe, c’est la hanche qui se pousse à l’extérieur ; un peu de rêne sur l’avant- main : ce sont les épaules qui s’assouplissent. Alcazar hennit d’un plaisir que Tristan partagea.
    Ils travaillèrent des serpentines et des lignes brisées comme si des sagettes les menaçaient l’un et l’autre. Ils s’arrêtèrent, repartirent, les poumons chauds, l’un les naseaux dans le vent, l’autre les yeux mouillés, levés vers les nuages. L’encolure tendue, la bouche appuyée sur son escache 358 , Alcazar galopa derechef vers le camp d’où montaient toujours des fumées et des rumeurs de toute sorte.
    Entre les deux premiers trefs et la lisière du pré, Paindorge leur faisait des signes.
    – Des deux mains !… Il nous crie de le rejoindre… Hâtons-nous !
    Alcazar allongea ses foulées tandis que Tristan pressentait un malheur.
    – Holà ! cria-t-il de loin, que se passe-t-il ? Je ne puis vous laisser seuls un bout de temps sans que…
    – Ah ! Messire, messire…
    Paindorge pleurait. Ce devait être pour une raison terrible. Reconnaissant l’écuyer, Alcazar s’immobilisa de lui-même.
    – Parle, Robert ! Parle !
    Tristan désormais tremblait. Ses doigts se desserraient des rênes. Il n’osait ajouter un mot, une adjuration ni même baisser les yeux sur l’écuyer dont les jambes nues, poilues sous ses braies nouées en hâte, lui eussent en toute autre occasion, tiré un rire. Ce silence glacé se prolongea un instant, Paindorge faisant de véhéments efforts pour énoncer une phrase convenable.
    – Il est mort.
    – Qui ?
    – Le chevalier… Votre beau-père.
    Lors de ce second silence, les deux hommes perçurent en même temps les dernières palpitations de cet âme dont quelqu’un avait brisé les entraves. Car Ogier d’Argouges ne pouvait avoir succombé à une mort naturelle : il était trop bien portant à son réveil.
    – Qui a fait cela ?
    – Un carreau.
    –  Qui l’a bersé 359  ?
    – On ne sait.
    _ Tu le sais aussi bien que moi, Robert !
    – Pas de preuve.
    – J’en trouverai.
    S’il existait une ivresse du bonheur, du plaisir, il en existait une de la douleur. Tristan se sentait mou, près de tomber d’Alcazar, soumis à l’esclavage d’une souffrance nette et d’une densité tellement acérée qu’il en avait le cœur tranché. Sa salive soudain prenait un goût de sang tandis que le chevalier normand égalait dans son esprit et sa mémoire ces victimes

Weitere Kostenlose Bücher