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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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priant de choisir entre une Bible et son poignard.
    Bourbon se courrouça :
    – Allez-vous cesser, Castelreng ? Savez-vous à qui vous parlez ?
    – Ah ! Certes, je le sais, messire.
    Le Trastamare eut un geste d’apaisement. On eût dit qu’il chassait une mouche posée sur son épaule :
    – J’imagine mon frère en son palais de Burgos. Ses fidèles sont présents. Fernand de Castro et les judios : Jacob et ses frères, Judas Manessier, Abraham. Ils l’adjurent de fuir, mais il tergiverse. Ils insistent : il doit chevaucher vers Toledo… To lède… Comme Burgos, je le dis en passant, c’est une cité pourvue d’une grosse juiverie… Pedro est tout éhidé (560) . Depuis que Charlema gne s’y est couronné roi d’Espagne, aucun roi ne fut intronisé ailleurs qu’à Burgos… Les bourgeois doivent le dissuader d’abandonner la cité. Et toute la juderia 354 l’implore d’y demeurer… Allons, nous nous reverrons en chemin. Nous quitterons Briviesca sur le coup de midi.
    Le Bâtard de Castille et le comte de la Marche, heureux d’une diversion salutaire, partirent bras dessus bras dessous le chef branlant et la démarche capricante.
    – J’avais atermoyé pour me montrer, dit Ogier d’Argouges. Leurs propos me répugnaient tellement que j’ai préféré m’abstenir de les saluer.
    Il cracha sur les pas des deux hommes cependant que Paindorge qui, lui aussi, avait hésité à quitter la tente, apparaissait et s’étirait en bâillant.
    – Je n’ai pas dormi. Il me semblait ouïr sans trêve les cris de ces pauvres gens.
    – Savez-vous, s’empressa Yvain, ce que Shirton nous a dit aussi ? Il y avait deux Bretons dans la tour. Ils y étaient entrés en serrant les Juifs de trop près… On dit que le butin est immense. Le gouverneur a été rançonné. S’il n’acquittait pas le prix convenu, on occisait sous ses yeux son épouse et ses enfants.
    Il n’y avait, pour Tristan, qu’un moyen de mettre un terme à sa répulsion :
    –  Passe-moi, Robert, la flancherie d’Alcazar. Nous allons faire un tour. J’ai besoin que l’air nettoie mon visage et qu’un galop me dispense de penser.
    Il plaça le gros rectangle de toile matelassée sur le dos de son coursier. Il prit la selle que l’écuyer lui tendait, la posa sur le sol, ouvrit de son mieux les panneaux et y passa ses paumes. Rien ne pouvait blesser ou chatouiller son cheval. Quand Alcazar fut sellé, Paindorge remplaça le licol par la bride.
    – Prends ton temps, compère. Nous ne partons qu’à midi et nous n’irons guère loin, le cheval et moi.
    Ces rites du harnachement, Tristan eût aimé les accomplir lui-même. C’eût été mécontenter Paindorge dont c’était l’essentielle fonction, pour le moment, d’apprêter les chevaux de son seigneur. Il passa une main sous la ventrière, vérifia les boucles de la têtière et de la muserolle, et comme Alcazar semblait se rire de ces préparatifs, il regarda son écaillon 355 et se merveilla que son cheval eût les dents si blanches. Les étrivières étaient brossées, les étriers aussi propres que s’ils sortaient de chez un marchand de lormeries.
    – N’allez surtout pas loin ! recommanda Paindorge.
    Tristan se cramponna au pommeau et au troussequin et d’une prompte enjambée fut en selle. Ses doigts saisirent les rênes. Le bout de ses heuses s’enfonça juste ce qu’il fallait sous l’arceau des étriers. Ses genoux se serrèrent pour imprimer sa volonté sur les flancs frémissants d’Alcazar.
    – Tiens, dit Ogier d’Argouges, allais-tu l’oublier ? Rien n’est sûr.
    Tristan attrapa sa ceinture d’armes et s’en ceignit :
    – Vous avez raison : rien n’est sûr.
    – Demain, je me joindrai à toi. Ce matin, je n’en ai aucune envie… J ’ai rêvé d’Anne, la mère de Lionel. Il me semblait qu’elle me donnait un conseil…
    –  Gardez-vous de ce bâtard, beau-père ! !
    Tristan cessa de tapoter la Floberge dont les quillons, alternativement, touchotaient sa hanche. Sans obéir à la moindre injonction, mais parce qu’il ne sentait plus les rênes sur son encolure, Alcazar prit l’amble en dansant.
    *
    Il faisait beau. Nettoyé de ses braises, le soleil étincelait tandis que Briviesca meurtrie, repue de sang et d’horreur, exhalait des fumées légères mêlées aux tintements d’une cloche inno cente. Des hommes accroupis autour des feux réchauffaient à leurs hautes flammes leurs faces aux yeux songeurs et

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