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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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soudoyers.
    – Avez-vous ouï, cette nuit, la frainte 348 qu’ils ont faite ?
    – Hélas !… Qu’est-ce que ce sera le jour du couronnement !… Savez-vous s’il reste des Juifs et s’ils ont pu enterrer leurs morts ?
    – Ah ! Messire, dit Yvain, nous savons autre chose… Je me refuse à entrer dans cette cité… C’est…
    Tristan vit la pomme d’Adam du soudoyer monter et descendre, sous l’effet d’un émoi terrible, dans son cou noir de barbe :
    – Messire, cet Anglais, Shirton, est venu nous dire… afin que nous vous le rapportions…
    – Quoi ?
    – Le pourchas des Juifs a continué cette nuit, pendant que les Grands de chez nous mangeaient et chantaient. Soupçonnant partout des gens de l’autre religion, des hommes ont pillé la cité, menaçant les chrétiens de les occire et de détruire leurs maisons s’ils y avaient reçu des Juifs. Ils en ont trouvé à ce qu’il paraît… L’archer nous a dit qu’ils ont énasé 349 , esjarreté 350 et émasculé les hommes et éventré les femmes grosses pour arracher de leurs entrailles les corps des petits païens… Les presbytériens qui accompagnaient ces hommes ont trouvé cette pratique belle et nécessaire. On a vu des ribauds profiter des belles femmes et de leurs jouvencelles…
    – Même des garçonnets, ajouta Jean, tout en demandant, d’un geste, à son frère, de lui laisser la parole. L’archer dit que Calveley n’y est pour rien : tous ses hommes sont demeurés avec lui quand le chevalier mangeait.
    –  Comment a-t-il su ?
    – Par un ribaud qui s’en félicitait !
    – Qui ? demanda Tristan.
    De nouveau, il était accablé. Ses idées se déliaient. Ses pensées sur la religion n’étaient plus qu’une espèce de boue sanglante.
    – Ni les Aragonais ni les Castillans, reprit Yvain. Quant aux routiers, ils sont tenus dans des poignes de fer. Pour chaque manquement, la mort.
    – Alors qui ?
    – Messire ! Messire ! grommela Jean. Qui peut griéver ainsi de pauvres manants ? Avez-vous oublié ce qu’ont fait les Bretons, voici deux ans, à Mantes et à Meulan 351  ?
    La réponse était dans ces deux questions.
    D’une main chaude, glissante, Tristan caressa la croupe de Malaquin, puis celle d’Alcazar. Dans la brouette découverte ou robée par Lebaudy et qui servait d’auge roulante, subsistait un boisseau de cévade 352 . Tristan offrit une poignée de grains à Malaquin qui les dédaigna, puis à Alcazar qui ne fit que les flairer de ses naseaux frais et soyeux avant de remuer la tête dans le sens d’une dénégation.
    – Ils sont malades des odeurs, dit Yvain. Le sang et les fumées…
    – Sans doute… La course lui ouvrira l’appétit. Nous allons partir tous deux.
    Reculant d’un pas, Tristan admira la robe blanche de son cheval comme lustrée sur le bombé de l’épaule oblique, puis la poitrine d’une ampleur où l’on devinait des poumons et un cœur généreux. Il caressa l’encolure d’Alcazar, fit descendre son pouce le long des tendons bien fouillés, releva une jambe antérieure juste pour voir la lueur du fer poli, fourbi par les cailloux et les rocs des chemins. Jean de Bourbon passa, enveloppé dans une houppelande brune, fourrée de renard, la peau couenneuse, le visage bouffi et la roupie au nez. Le Trastamare l’accompagnait, la barbe en friche, l’œil globuleux, chassieux, et le pourpoint bâillant tout autant que la bouche.
    – Nous ferons une course un jour. Nos genets sont de bons coursiers !
    Tristan s’inclina très peu. Désormais, cet homme lui répugnait.
    – Eh bien, Castelreng, toussota le comte de la Marche, pourquoi n’étiez-vous pas avec nous cette nuit pour célébrer notre victoire ? Le vin était parfait et la chère excellente !
    – Je lui aurais certainement trouvé, messire, un fort goût de brûlé.
    Bourbon parut soudain déséperonné :
    – C’est la guerre et à la guerre tout est permis.
    Approuvant son compagnon, le Trastamare lui tapa sur l’épaule avec une familiarité singulière.
    – Ah ! là là, dit-il en riant, vous n’allez pas pleurer ces Juifs, tout de même ? Si leur absence doit hâter mon règne, que faire d’autre que de les écarter de mon chemin…
    – De les occire, voulez-vous dire, rectifia Ogier d’Argouges en apparaissant.
    – Soit, dit le Trastamare, sans trouble… D’ailleurs, nous ne les avons pas tous écartés… Frère Béranger en a converti plus de cent.
    – En les

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