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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’il ne l’avait cru tandis que le visage bien connu, épargné par la poussière et les rebuts qui jonchaient la terre, s’éclaboussait de lumière.
    – Que t’avais-je dit ? triompha le routier. On dirait qu’il dort… qu’il n’a rien éprouvé.
    – Qu’en sais-tu ?
    La figure, certes, était intacte, immobilisée par cette sorte d’inspiration divine que Tristan lui avait vue à l’église, lorsque son beau-père priait. Une magnificence qui inspirait un respect dont Bagerant l’ignoble semblait lui-même atteint. Sous le heurt meurtrier, le chaperon avait chu, dégageant le front droit que prolongeait un nez parfait dont les ailes, touchées aux ombres penchées sur le corps, semblaient palpiter sous l’empire de la fureur. La bouche, entre-close, exprimait l’ultime cri de protestation qui l’avait animée. Les yeux regardaient les nuées sans les voir.
    Lebaudy se pencha et ferma les paupières.
    – C’était un preux, dit-il. Il méritait de mourir autrement.
    – C’est aussi mon avis, dit Bagerant.
    Il parut à Tristan qu’il voulait se signer, puis qu’il y renonçait. De toute façon, le fait qu’il eût approuvé Lebaudy constituait une sorte d’hommage. Celui du vice inaltérable à la vertu périssable.
    – Il me paraît plus grand, dit Yvain Lemosquet.
    Les proportions du corps immobile différaient de celles de cet homme d’action souvent penché sous le poids de l’armure et des soucis, ou ployé par l’affection qu’il témoignait à son cheval, soit qu’il s’inclinât pour tapoter et caresser son encolure, soit encore qu’il eût soin de voir d’un peu plus près le sol où celui-ci posait ses pas.
    – Une belle tête, dit Jean Lemosquet.
    La beauté de ce visage qui se figeait dans les mémoires de ceux qui le contemplaient donnait de l’intensité à la pitié de ce soudoyer comme elle donnait de l’ampleur au chagrin de Tris tan. La sourde, la discrète admiration qu’il avait vouée à cet être s’augmentait en raison, précisément, de la noblesse de cette figure livide et qui représentait pour lui la dignité humaine et la gloire de la Chevalerie à jamais pétrifiées. D’un mouvement de l’avant-bras, il essuya une larme qu’il avait senti glisser jusqu’à l’extrémité de son nez. Un sanglot le secoua et lui fit mal tant il avait essayé de le retenir. Force lui fut de respirer un grand coup pour vaincre l’étranglement de l’angoisse.
    – Il est beau… Il sera éternellement beau, dit Bagerant d’un ton bas, véritablement funèbre, dont ni Tristan ni ses compagnons ne pouvaient discerner la sincérité de la moquerie permanente de cet homme qui ajoutait : venge-le.
    Tristan se tourna vers les Lemosquet et Lebaudy :
    – Désormais vous passez à mon service.
    – On l’était déjà en grande partie, observa Lebaudy.
    – Certes… Il faudra vous occuper de ce corps. Ne pas l’ensépulturer comme n’importe qui.
    Il s’éloigna, l’esprit tout excité par ce qu’il allait faire. Ces idées vagues traversaient son esprit, composées de souvenirs et d’intentions furibondes. En devenant plus aiguë, son aversion envers Lionel confinait à l’épouvante, fouettant et décuplant la mortelle impulsion qui avait secoué à la découverte du chevalier martyr et qu’il sentait frémir jusqu’aux limites de ses doigts. Il était passé par une succession d’émois si âpres et si violents qu’il avait subi, irrévocablement, une sorte de mue. Il étouffait dans ses vêtements et enrageait de ne pouvoir contenir ses pleurs. Ses jambes lui pesaient. Une lassitude inconnue lui asséchait le cœur et comprimait ses épaules. Ses oreilles bourdonnaient. Il y sentait parfois la voix du trépassé : «  Venge-moi ! Venge-moi ! » et sa fureur écumait davantage.
    Eh bien, oui, il procéderait au châtiment. Il serait fièrement, furieusement le restorier 363 d’Ogier d’Argouges. Vivre sans occire Lionel était chose impossible. Avant que d’exécuter ce ribaud, il lui dirait combien il avait vénéré le défunt leude du roi Philippe et ce qu’il pensait de lui, bâtard dont la mère était soi-disant douce et bonne. Il l’injurierait. Il le dépouillerait de sa fausse assurance. Il le frapperait à mort. Sans épée car c’eût été souiller sa Floberge que de la plonger dans le corps de ce parricide. Au poignard, l’arme des sicaires.
    – Si je le pouvais, je le sépulturerais vivant !
    L’esprit

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