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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Ce boujon est sorti de ton carquois.
    Lionel saisit le carreau tendu fer en avant, rouge du sang de la victime. Il le considéra comme une chose immonde et le jeta.
    Tristan ramassa l’arme et la représenta :
    – As-tu bien regardé ce trait ?
    – Messire, il y en a des milliers de cette sorte dans l’armée où nous sommes. J’ajoute que mes compains en ont des dizaines dans leur trousse.
    Il y eut, derrière Lionel, des murmures d’approbation. Tristan n’en eut cure.
    – Pas comme celui-ci, dit-il.
    – Qu’a-t-il de si particulier ?
    Forcennerie et crainte se mêlaient chez Tristan. Crainte que cette forcennerie ne poussât Lionel à refuser le combat en se livrant à des parlures dilatoires. Il avait un air majestueux. Noble. Ne l’était-il pas à demi, étant le fils d’un prud’homme ? Et quel prud’homme ! Il se tenait avec une fermeté sans faille sur son cheval, une bête qu’il devait aimer car ses flancs gris et propres n’avaient jamais été abrochés. Ses talons n’étaient point armés, eux qui, en toute autre occurrence, eussent dû arborer des éperons d’or. Arrogant ? Certes, et nanti d’une confiance absolue en son pouvoir de commander à ses compagnons, assortie du plaisir de faire ployer les plus têtus devant sa volonté. Se sachant fils de noble et non de loudier 366 , il y avait dix ans peut-être qu’il était accoutumé à l’inaltérable soumission des meschins 367 , des chevaux et peut-être des femmes.
    – Qu’a-t-il, ce boujon, oses-tu me demander ? Il y a que son empenne, Ogier d’Argouges l’a trouée d’une de ses sagettes au festin de Barcelone.
    Une main saisit le carreau ; celle de Shirton.
    – C’est bien ça, dit-il. J’ai tiré moi-même ce trait du bersail pour te le remettre, compère… Ce boujon qui a trespercé Ogier d’Argouges, c’est celui de Barcelone. Le cuir de l’empenne est reconnaissable : c’est de la basane. Je m’étais merveillé que tu puisses empenner tes carreaux avec de la chèvre plutôt qu’avec du veau… C’est ce qu’on appelle une empenne de pauvre.
    Tristan recevait l’appui d’un allié de choix.
    – Calveley vient de m’apprendre ce qui s’est passé, dit l’archer anglais. Par saint George, sa tête dépassant toutes celles des autres, il a vu, de loin, comment tu as agi… Il est auprès du corps de celui qui fut son ami.
    Le cœur de Tristan cognait contre son pourpoint. Sur ses joues empourprées par la malerage, des gouttes de sueur remplaçaient désormais les larmes. Sa fièvre grossissait. Il sentait en lui la conviction brûlante et profonde qu’il allait enfin passer aux actes.
    – Même si c’était moi…
    – C’est toi ! hurla Tristan.
    Mesurant la stupeur des témoins de cette accusation, et tout en apercevant le manche du poignard que Lionel portait dans sa heuse, il déclara très haut :
    – Ce malandrin que vous voyez, compères, est le fils qu’Ogier d’Argouges eut d’une pute !
    C’était injurieux et injuste, mais il fallait décider Lionel à se battre.
    – Nous le savions, dit un barbu qui, bien que âgé d’une trentaine d’années, semblait être le lieutenant de Lionel. Pute ? Non, messire, mais l’homme qui prit cette dame, Anne, pour femme après messire Argouges, était un rustique. Il se montra vergogneux et terrible envers elle parce qu’elle avait forniqué avec un prud’homme. Nous sommes du même pays presque tous : Rechignac. Je suis, moi, le fils bâtard du défunt baron Guillaume, le tayon 368 d’Ogier d’Argouges. Mon nom est Eudes. Ma mère avait pour nom Mathilde. Mon ains-né frère, Philippe, est mort de la peste…
    –  Continue.
    – Pendant des années, Arnaud Clergue, le chapelain du château, nous a aidés et instruits pour devenir mieux que nous ne valions. À sa mort, nous nous sommes changés en loups. Tout d’abord moi, par dépit d’être un bâtard de baron et de n’avoir rien ; puis Lionel, pour la même raison, à cette différence que si je ne me souciais aucunement du mien, il a toujours haï son père. S’il ne l’avait pas trouvé dans l’ost, nous serions allés à Gratot afin qu’il fît valoir ses droits sur cette chevance… Vous voyez, messire, que j’ai été enditté de tout… par les soins d’Arnaud Clergue.
    Le cheval de Lionel encensa comme pour approuver ces dires. Tristan saisit sa bride d’une main cependant que, de l’autre, il empoignait la ceinture d’armes de son

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