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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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susceptibles d’inspirer tout à la fois le dégoût et la pitié. Une population nombreuse emplissait des maisons sordides. Quelques rues étaient bordées d’échoppes où se vendaient de la friperie, des meubles sales et branlants, des ustensiles et chaudrons dans lesquels il n’eût osé donner à boire à ses chevaux. Il y avait aussi des joyaux : or, argent, cuivre. Il était persuadé que des habitants de ces cités dans la cité pouvaient y vivre de leur naissance à leur mort sans avoir vu miroiter une rivière, verdoyer un pré, blanchoyer une montagne en hiver. Du matin au soir, des cierges, des chandelles, des lanternes luttaient contre une obscurité irrémédiable et l’hiver, des brasiers chauffaient les caves où hommes, femmes, enfants, animaux se réfugiaient pour ré sister au froid. À Paris, les Juifs avaient leur cimetière au bas de la pente de la montagne Sainte-Geneviève. À Toulouse, s’ils portaient la rouelle et le chapeau jaune, pointu, il semblait qu’on les acceptât hors de leur quartier ; cela n’empêchait pas que chaque année, le vendredi saint, ils étaient contraints de se faire représenter par un des leurs pour recevoir publiquement le fouet sur le seuil de l’église cathédrale. Dans certaines cités, lors de la semaine sainte, on lapidait leurs maisons.
    –  À quoi pensez-vous, messire ? s’inquiéta Paindorge.
    – J’étais loin, très loin d’où nous sommes…
    – Oyez ! Ils ont même des écuries. Des chevaux hennissent pas très loin.
    Un long mur haut d’une toise et demie se présenta, percé en son milieu d’une porte assez large et suffisamment élevée pour qu’un cavalier pût y passer. Derrière, on apercevait un toit pointu aux tuiles vernissées, bleu pâle.
    – On dirait que le ciel est tombé sur cette toiture, dit Serrano en s’approchant de Tristan sans pouvoir l’atteindre car Paindorge refusait de lui céder la place.
    Sautant par-dessus le mur, une boule de cuir rebondit devant Alcazar sans l’effrayer. La porte s’ouvrit. Un garçonnet qui allait se précipiter dans la rue s’immobilisa, soudainement angoissé par la vue de ces cavaliers en armes et de toutes leurs montures. Il y eut un cri et le vantail déclos béa sur une cour.
    – Simon ! Que pasa ?
    La colère de la blonde jouvencelle qui venait d’apparaître se mua en frayeur. Elle saisit l’imprudent par son col et le tira en arrière.
    – Attendez, dit Tristan, qu’il reprenne son bien.
    –  Francés ?
    –  Oui, damoiselle.
    Ce devait être la sœur de l’enfant. Elle désigna l’esteuf 386 entre les jambes d’Alcazar :
    –  Toma 387 .
    –  N’aie crainte, dit Tristan, Alcazar est un sage.
    –  Alcazar ? s’étonna la jeune fille tandis que Simon reprenait son jouet sans que le cheval eût bougé.
    – C’est, je crois, damoiselle, un cheval espagnol. Il est vaillant et véloce.
    –  Êtes-vous des amis de ce Guesclin ? demanda la jouvencelle.
    Elle s’exprimait dans un français aussi chantant que les filles de la Langue d’Oc. Elle n’osait trop regarder tous ces guerriers dont les yeux ne la quittaient pas et sans doute les eût-elle craints ou ignorés s’ils avaient été fervêtus.
    – Nous n’aimons point Guesclin, dit tout à coup Paindorge. En vérité, certains de nous le détestent et les autres l’ont en aversion.
    Il souriait sans obtenir de réciprocité. Au contraire, la petite bouche pâle s’était pincée. Enfin, la jouvencelle n’hésita plus :
    – Mais vous étiez à Briviesca !
    Point d’âpreté. Ce n’était pas un reproche. Ni ses yeux ni son visage ne révélaient le fond de ses pensées.
    – Certes, damoiselle, nous étions à Briviesca… Nous étions hors de la cité lorsque ce qui vous épouvante eut lieu. Nous n’avons occis personne.
    Tristan se demanda s’il était convaincant. Il allait rendre les rênes à Alcazar quand, au bout de la rue, une rumeur qu’il ne connaissait que trop fit battre fortement son cœur. On tapait à coups d’épée sur les portes et les contrevents. On s’en promettait de belles quand Guesclin en aurait donné permission. Déjà on criait victoire.
    – Les Bretons, dit Paindorge. Pleins de vin et de forcennerie.
    Tristan se pencha vers la jouvencelle et désignant la cour où Simon venait de disparaître :
    – Pouvez-vous nous accueillir ? Je jure devant Dieu que nous ne sommes point à leur semblance. Nous vous protégerons !
    Il

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