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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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il avait assisté au sacre de Charles V, il lui serait donné de voir, à Burgos, couronner un usurpateur.
    – Le roi doit retrouver sa femme, dit Serrano, et ses rois belles-sœurs.
    –  Ah ! fit simplement Tristan.
    – On dit qu’elles ont quitté l’Aragon dans un char doublé de drap d’or et enrichi de pierreries, suivi dans plusieurs autres, presque aussi magnifiques, où siègent les dames de la Cour. Guesclin, prévenu, doit se porter à leur rencontre.
    – Il a depuis longtemps oublié sa Tiphaine.
    Tristan acquiesça et, renchérissant sur Paindorge :
    – Il se peut qu’elle l’ai oublié aussi.
    « Et Luciane ? » se demanda-t-il.
    Non, elle pensait à lui comme il pensait à elle.
    Il ne cessait de regarder partout, nullement par crainte mais par merveillement. Les maisons à l’entour, même les plus humbles, étaient manifestement plus belles que celles de la Langue d’Oc et des cités qu’il connaissait, y compris Paris. C’étaient, où qu’il portât ses yeux, des arcades de tout style, des tourelles – torrejones – qui flamboyaient de grands écus, héraldiques, des courbes et contre-courbes de pierre, brisées, et des accolades qui semblaient accuser une réaction violente contre les voussures surhaussées des nombreuses maisons parisiennes. Des fûts de colonnes tournés en chanceaux, cannelés et salomoniques 385 tantôt lisses, tantôt ornés de sculptures, des médaillons androcéphales et des balustrades ajourées provoquaient, eux aussi, l’intérêt de Paindorge.
    – Sommes-nous en Arabie ? demanda l’écuyer.
    – Hé ! Hé ! fit Serrano en repoussant sur son dos sa guiterne. Burgos est la cité du Cid qui fut tour à tour l’allié et l’ennemi des Mores.
    – Les Burgosiens… commença Tristan.
    – Dites plutôt les Burgolais, messire… Ils vont en pèlerinage au Solar del Cid ou sol de la Maison du Cid, dont il reste peu de chose. On voit, sous la voûte de l’entrée présumée, la trace d’une barre qui y était encas trée. Elle représentait, dit-on, la longueur de la Tizona, l ’épée de Rodrigue de Bivar… Je vous y mènerai si nous en avons le temps… et si vous m’en croyez, mieux vaudrait essayer de trouver un logis dès maintenant que d’assister à une cérémonie qui ne sera pas celle du sacre, nais une espèce de répétition.
    – Il a raison, messire, dit Paindorge.
    Tristan acquiesça.
    Comme une rue se présentait à leur droite, ils s’y engagèrent. Elle était sombre, froide et comme hostile, toutes les portes, portails et contrevents avaient été fermés.
    – On dirait qu’on nous craint, dit Tristan, la gorge soudain sèche.
    – Effectivement, messire, dit Serrano. Nous venons l’entrer dans la juiverie et la renommée de Guesclin semble nous y avoir précédés.
    Deux chevaux pouvaient passer de front dans cette voie qui n’eût point différé des autres sans l’ostensible fermeture des maisons, la nudité de leurs façades et la netteté des pavés où crépitaient les fers. Tristan, qui cheminait en tête avec Paindorge, exprima son opinion sans ambages :
    – C’est un riche quartier, du moins ce qu’on en voit. A Paris et dans quelques cités que j’ai vues, les Juifs se ont retirés dans des lieux lugubres, des maisons affreuses…
    Il n’acheva pas. Le souvenir de certaines rues malpropres et de personnages de misérable apparence lui revenait à l’esprit.
    – Hé oui ! dit Paindorge. Céans, on se croirait toujours en pleine ville, sauf que les murs sont nus, sans tapisseries, et le sol dépourvu de la moindre fleurette.
    – Souviens-toi, Robert, des propos de frère Isambert à son retour d’Espagne. Il nous a dit que les Juifs étaient différents, qu’on les considérait et qu’ils ne portaient pas la rouelle.
    –  C’est vrai qu’à Briviesca, aucun ne la portait, dit Jean Lemosquet, de l’arrière.
    – Qu’ils avaient de beaux vêtements, reprit Paindorge, et qu’ils ceignaient la dague ou l’épée…
    – Si Guesclin envoie ses chiens bretonner en ces lieux, c’en sera fait de leur quiétude.
    Tristan se tut, laissant Alcazar le conduire.
    Cette juiverie ne ressemblait à aucune de celles qu’il avait parfois traversées. Volontairement ou non isolées du reste de la population, celles qu’il avait vues en France – à Paris, Toulouse et dans la Langue d’Oc – ne se pouvaient comparer à celle de Burgos. Elles étaient fréquemment malsaines, incommodes,

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