Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
louer leurs successeurs sans jamais se repentir des ovations qu’elle réserva naguère à l’avènement des précédents… Le Trastamare est un routier. Un usurpateur… Je suis heureux d’échapper à son sacre. Je me sens d’esprit propre…
    Paindorge acquiesça distraitement.
    – En tout cas, dit-il, nous n’avons pas eu à déployer bannière. C’est à peine si les vougiers et les archers nous ont vus passer.
    Il riait au soleil déjà chaud et à la campagne, devant, à peine bosselée, verdoyante, immense. Le printemps d’Espagne semblait avoir un mois d’avance sur celui de la France.
    Les gravillons crissaient sous les fers des chevaux. Les hommes parlaient peu, à voix mesurée. Sans doute s’interrogeaient-ils sur les circonstances qui avaient nécessité le départ de Teresa-Roland et de Simon. Ils savaient qu’ils allaient à Tolède et que c’était loin. Ils savaient que Joachim Pastor était Juif, donc, également, sa descendance. Tristan se demanda si, en cas de danger, ils seraient efficaces. Les compères de feu Lionel, surtout.
    Il regardait droit devant lui. Derrière, en retrait, chevauchaient Teresa, puis Yvain Lemosquet portant Simon en croupe. Les autres ensuite. Paindorge se laissa glisser en arrière. Il pouvait ainsi surveiller les hommes tout en échangeant quelques propos avec Petiton qui tenait la longe de Carbonelle.
    –  Messire, dit Teresa, nous sommes sur le bon chemin.
    Tristan ne fut guère ébahi de voir la jouvencelle se porter à sa hauteur, ni même d’être encharbotté plus qu’il ne l’eût fallu par la fraîcheur de sa personne et la beauté de son visage, bien qu’elle eût ramassé sa chevelure en touffe au sommet de sa tête et que rien ne subsistât, au-delà de son chaperon noir, de cette soyeuse parure.
    Quinze ans. Un front, des joues d’albâtre et des lèvres dont la roseur s’effaçait sous le coup d’un émoi, d’une angoisse. Des yeux d’un bleu sombre sous des sourcils fournis et des cils longs et relevés, si féminins qu’il faudrait les écourter… Des yeux qui se diapraient selon les jeux de l’ombre, de la clarté, des nuages. Des oreilles petites, un menton volontaire.
    – Observez-nous. Plus de mouvements onduleux, mais secs… Ce soir, nous vous fournirons une épée. Je vous enseignerai comment la manier. Il vous faudra savoir la porter à la hanche… à la façon d’un homme, sinon d’un chevalier.
    Tristan n’osait nier que cette présence l’enchantait. Luciane était tellement loin… Il éprouvait de la compassion pour Teresa, étrangère comme lui dans un pays qui, tout de même, était sien. Quelque admiration qu’il ressentît pour sa beauté, il n’osait trop la regarder, l’âme ulcérée qu’elle fût dès maintenant menacée, soit par les hommes de Pèdre, soit par ceux du Trastamare, soit encore par des déserteurs des Compagnies impatients de riffler 404 des fortunes dans cette infortunée Castille. Devant eux, quelques maisons fort éloignées les unes des autres attestaient qu’il n’y avait rien à craindre.
    Ils cheminèrent dans une contrée mouvementée, composée de montées et de descentes creusées dans les vagues d’une plaine dont l’immensité s’imposait tant à leur vue qu’à leurs sens. Tantôt boisée, tantôt nue, rugueuse et comme réfractaire aux socs les plus tranchants, cette terre ne laissait pas d’être in quiétante ! C’était une terre brune, jaunâtre où l’on pouvait s’égarer, une terre de perdition sans doute, soumise aux changements d’aspect les plus âpres et les plus violents, comme frappés d’une immémoriale injustice. Ici, les forêts de chênes, de hêtres ; les fuseaux sombres des cyprès perçant et lacérant les grappes de nuages ; là, des fourrés profonds puis la chair grenue, livide, des rochers.
    Les regards de Tristan interrogeaient sans cesse. Il cherchait sa confiance dans les immenses troupeaux d’arbres devant lesquels, parfois, paissaient quelque moutons ; il essayait de lire l’avenir dans les flaques brunes d’une pluie de la veille, et le présent, c’étaient les yeux de Teresa, toujours mi-clos comme ceux d’une nonnain qui, sorti soudain de quelque cloître, eût affronté le soleil pour la première fois. Il voulait atteindre Lerma 405 vers midi sans savoir si c’était possible de manger, boire après avoir trouvé, pour les chevaux, un ruisseau et une prairie. Puis repartir. Le temps semblait ériger devant lui

Weitere Kostenlose Bücher