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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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plus de murailles limpides qu’en n’importe quels autres lieux.
    Teresa dut percer sa méditation.
    – J’ai dans une grosse bourse, dit-elle, suffisamment de maravédis pour que nous puissions cheminer sans crainte… Mon grand-père a exigé que je les prenne. Ils sont dans mon bissac… Si nous étions assaillis, protégez mon genet. Je lui ai donné le nom du cheval du Cid : Babiéca 406 .
    De tristes masures émergeaient çà et là du sol. À proximité, des femmes arrachaient les mauvaises herbes d ’une petite vigne ou d’un champ dont on ne savait quelles graines avaient bien pu y pousser. Elles s’immobilisaient, laissaient regarder sous leurs habits loqueteux, froissés au vent, leurs formes pleines, cependant que dans leur visage aux traits nets, leurs yeux d’une sombre naïveté provoquaient les regards des hommes inassouvis. Souvent, un âne pelé tenait compagnie à ces luronnes et parfois un chien qui devait avoir perdu, depuis longtemps, l’envie ou le plaisir d’aboyer.
    Le ciel plat, d’une teinte légère, presque irréelle -gris perle – s’accordait avec la mélancolie de ce matin l’errance et d’aventure. Et ces femmes robustes et belles devaient faire impression sur Paindorge, Lebaudy et les frères Lemosquet qui, songea Tristan, devaient en être privés depuis plus longtemps que lui-même.
    Alcazar semblait pleinement heureux. Il frappait d’un jabot sûr, altier, ce sol où s’étaient développées maintes batailles, surtout sous la géhenne des Mores. Un sol tout jonché, sous quelques pouces de terre, de débris de guerriers et d’armes enrugnies 407 . Les nouvelles clameurs de guerre, les galops, les heurts d’épées, d’épieux, d’armures seraient-ils pour bientôt ? En quel lieu ? Qui d’Enrique ou de Pèdre obtiendrait la victoire ?
    Lerma était une petite cité ceinte de hautes murailles percées d’une seule porte flanquée de tours. Serrano se proposa pour y acheter de la nourriture. Après avoir confié sa guiterne à Teresa, il franchit le seuil de la bourgade en compagnie de Lebaudy et de Paindorge.
    Comme l’avait prévu le trouvère, il y avait une panaderia, une carniceria et une venta. Les trois hommes revinrent satisfaits. L’écuyer soutenait un tonnelet sous un bras et maintenait sur son épaule trois miches embrochées à son épée. Serrano portait lui aussi un tonnelet et Lebaudy un jambon. Des enfants à la peau bronzée, asséchée par des étés torrides, les suivaient en pleurni chant et en tendant leurs mains brunes ; derrière qui des mendiants accouraient, accoutrés de lambeaux de drap ou de toile rapiécés avec des ficelles, certains guidés par un muchacho qui les tirait violemment.
    – On dirait des aveugles, dit Petiton.
    Tristan s’aperçut que ces miséreux n’avaient pour eu ni déférence ni pitié. Il en éprouva pour ces garçons aux têtes hâves, décharnées, pustuleuses sous des chapeaux de paille ou des chaperons encrassés depuis des années. Regards glauques, chas sieux, torves, malicieux. C’étaient vraiment des infirmes : pieds bots, jambe ou bras amputé, bosses, déhanchements.
    « Tout y est ! » songea-t-il en découvrant qu’au pied des murs la terre était semée de détritus, de carcasse de bêtes dont les os pourtant rongés venaient d’attirer des chiens. Il désigna au loin des coteaux pierreux mouchetés de taches vertes :
    – En selle… Partons là-bas ou nous serons agressés. Ces quémands 408 nous dépouilleront.
    Il exagérait à peine car des couteaux venaient d’apparaître.
    Ils contournèrent les pierrailles et trouvèrent un pré ou courait un ruisselet. Paindorge rendit à Tristan la monnaie qui lui restait :
    – Des billons, messire, sans doute pour que nous puissions faire la charité aux pauvres que nous avons fuis.
    – Il me semble recevoir dans mes mains, Robert, suffisamment de lentilles pour manger tout un jour.
    Teresa s’approcha et sourit :
    – Si vous les aviez jetées, ces lentilles, les mendigos de Lerma se seraient battus au couteau pour en avoir un peu dans le creux de la main.
    – L’aumône se mérite, dit Serrano. Ceux de Lerma ont fait de leur misère un métier.
    L’on mangea. Le vin était bon. Quand un des tonnelets fut vide, Yvan l’offrit pour siège à Teresa. Ensuite, il précéda son frère et Lebaudy au ruisseau. Chacun d’eux tenait deux chevaux en bride : Pampelune et Alcazar, Tachebrun et Malaquin, Cristobal et

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