Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Babiéca. Une fois qu’ils eurent bu, ils emmenèrent leurs chevaux – Coursan, Arzel et Nestor – sur la berge. Petiton s’occupa de son roncin et de ceux de ses compères. Délestée de ses lances, Carbonelle et les deux sommiers s’abreuvèrent les derniers.
    – Ne faut-il pas couper ces lances ? proposa Paindorge. Nous n’allons pas jouter.
    – Hé ! Hé ! fit Tristan. Qui sait ?
    Il se tourna vers Teresa et la vit pâle, frémissante. Tout proche, Flourens la regardait avec un intérêt qu’il trouva déplaisant.
    – Ces mendigos m’ont fait grand-peur, dit-elle.
    Tristan prit ses petites mains fraîches dans les siennes. Il sentit sur son visage l’haleine douce, oppressée de la jouvencelle et toutes les agitations auxquelles il était en proie, toute cette mélancolie qui le hantait depuis leur sortie de Burgos se dissipèrent. Il eut le sentiment d’entrer dans la peau et l’état d’esprit d’un autre et que sa mémoire venait d’abolir toutes ses entraves. Cela venait de s’accomplir promptement, mais d’une façon peut-être irrémédiable.
    – N’ayez point peur, m’amie, dit-il, un sourire difficile aux lèvres. Nous sommes nombreux et ne craignons personne… sauf Dieu, évidemment.
    Et tourné vers les hommes et le petit Simon :
    – En selle !
    Flourens se hâta d’aider Teresa, visiblement agacée par cette attention, à se jucher sur Babiéca. Longtemps sa main resta sur le pied parfaitement posé dans l’étrier. Puis il sauta sur son cheval et laissa la jouvencelle passer devant lui. À la façon dont il considérait ses hanches et sa croupe, le doute n’était plus permis.
    –  Eh bien, messire, dit Paindorge, vous en faites une tête !
    Il avait parlé bas ; Tristan lui répondit plus bas encore.
    – Épions Flourens, Robert. Épions-le sans trêve. Je crois qu’il a envie de chevaucher notre protégée… !
    – Je m’en suis aperçu depuis cinq ou six lieues. Mais, après tout…
    – Vas-tu lui donner raison ?
    Paindorge parut décontenancé par la violence de la question.
    – Une belle fille, dit-il, même vêtue en homme, peut inspirer le désir, non seulement à un huron tel que Flourens, mais à des bourgeois, des prud’hommes… même mariés…
    C’était une semonce suave, sans doute pire que si elle avait été proférée hardiment. Tristan sut maîtriser une fureur en germe. Depuis toujours, l’écuyer était épris de Luciane. Chastement. Il lui vouait une sorte de religion et même nue, livrée seule à sa discrétion et à son indiscrétion, il n’y eût point touché.
    Le soir, étendu à même le sol, sa selle pour oreiller, Tristan chercha le sommeil d’autant plus difficilement qu’en allongeant son bras, il eût pu atteindre Teresa enveloppée dans la même couverture que son frère. Les circonstances de cette journée de cheminement sous un soleil de plus en plus chaud se reproduisaient et se répercutaient dans son esprit avec une telle vigueur et de tels rebondissements de sensations qu’il ne pouvait croire que la jouvencelle le laissait indifférent. La vacuité de sa vie d’homme agitait toutes ses pensées. Sans doute, stimulait-elle ses sens. Tourné sur le côté il vit que l’œil de Teresa brillait. Elle ne dormait pas plus que lui. Il pouvait même entendre sa respiration lente et le bruit léger de ses déglutitions.
    – Avez-vous toujours peur ?
    – Non, dit une voix basse et légère. Mais je crains…
    – Qui ?
    –  Flourens.
    Tristan saisit la main soudain tendue vers lui. Elle était moite et tremblait.
    – Je m’étais retirée dans un creux de broussailles…
    – Je comprends…
    – Quand j’en suis sortie…
    – J’ai compris…
    – Il m’a dit que si je vous avertissais…
    Que cette main était douce ! Tristan savourait la joie le la tenir, confiante, dans la sienne. Il renouait avec un sentiment de félicité dilué, depuis longtemps, dans les affres, les indignations, les fatigues d’une abominable croisade.
    – Je parlerai à Flourens, murmura-t-il.
    La profondeur de son émotion, la véhémente poussée de son cœur vers ce cœur juvénile le décidèrent à rouler sur le flanc, mais il vit une perle de nuit sur un autre visage. Simon ne dormait pas, inquiet, lui aussi.
    – J’ai dit à Flourens qu’il ne… m’aurait jamais. Il m’a dit que si je lui résistais, il savait comment se venger de moi et de mon frère…
    – Jamais, au grand jamais, il ne

Weitere Kostenlose Bücher