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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vous touchera.
    Tristan ferma les yeux, essayant de reconstituer le visage de ce huron par qui le scandale pouvait arriver dans la première cité venue. Un gars sévère dont la gaieté rare semblait d’ailleurs toujours forcée. Il eût fallu un peu moins de sang à ses joues pelues, un peu moins de broussaille à des sourcils longs et qui se rejoignaient à la racine du nez. Un peu plus de clarté dans des prunelles souvent abaissées comme par crainte du soleil.
    Au matin, Flourens sella le premier son cheval, ceignit son épée et « sauta en selle.
    – Holà ! dit Tristan, tu me parais pressé. J’avais quelque chose à te dire.
    – Gardez-le pour vous !
    Le soudoyer riait doucement tout en regardant, devant lui, non point le chemin menant à Aranda de Duerci mais celui qu’il avait parcouru depuis Lerma.
    – Où vas-tu ? Serait-ce que tu tournes bride ? En ce cas, puis-je t’en demander la raison ?
    – Ça me regarde seul.
    –  Que comptes-tu faire ?
    Déjà, le cheval avançait. Flourens talonnait nerveusement ses flancs comme pour l’inciter à la course.
    –  Vas-tu me répondre ? hurla Tristan. Quelles sont tes intentions ?
    La réponse vint, prompte, vibrante comme une sagette qui touche au but :
    – Me venger, messire ! Me venger !
    Déjà, il galopait, inaccessible aux paroles d’adjuration ou d’apaisement.
    – Que lui avez-vous fait, messire ? dit Paindorge.
    Il s’approchait, suivi de Teresa, de Simon et des autres. Tristan les affronta successivement du regard.
    –  Ce malandrin, dit-il, va nous préjudicier. Je devrais le rejoindre et l’occire.
    – Voulez-vous que je m’en charge ? proposa Lebaudy.
    – Oui, Girard. Fais de ton mieux. Je suis sûr qu’il retourne à Burgos. Rattrape-le et tue-le ! Je te fais confiance. Les autres, demeurez.
    Tristan passa une main sur son front pour dissiper, tout autant que la sueur, des scènes inopportunes.
    – Nous t’attendons, compère, hurla Paindorge. Cours !
    – Ils ont raison, dit Serrano à Teresa. Il faut empêcher ce porco de nuire.
    Pour tous, il s’était exprimé en français : il avait vu, lui aussi, le frisson qui avait secoué la pucelle.
    – Va ! Va !… Cours et saigne-le ! vociféra Petiton.
    Déjà, courbé sur l’encolure de Coursan, Lebaudy galopait. À quelque deux cents toises, Flourens fuyait sans se retourner.
    –  Il le rejoindra ! pronostiqua Paindorge.
    –  Crois-tu ? demanda Jean Lemosquet. Et vous, le croyez-vous, messire ?
    Tristan sentit les yeux du soudoyer se planter dans les siens. Teresa n’avait rien dit. Une frayeur inguérissable la rongeait.
    – Il l’aura, vous verrez, affirma Tristan.
    Elle parut ne pas l’entendre. Ses yeux légèrement clignés suivaient les deux chevaux plutôt que les deux hommes. Ils rapetissaient vélocement.
    – Dieu nous préserve, murmura-t-elle lorsqu’ils eurent disparu.
    Elle avait posé sur l’épaule de Simon une main que Tristan vit se crisper. Une sorte de violente et ténébreuse tempête se leva en lui et balaya toutes ses espérances.
    – Il l’aura, dit-il. Il est bon à l’épée. Il faut qu’il l’occise ou alors…
    Et furibond contre lui-même :
    – J’aurais dû lui prêter Alcazar !
    – Coursan, dit Paindorge, n’a pas de plomb dans les jambes !
    – Sans doute, mais j’aurais dû…
    Tristan sentait son sang froidir ses veines. Et pourtant, qu’il faisait chaud !
    – Il l’aura ! Il faut qu’il l’occise !
    – Vous parlez sagement, dit Paindorge. Mais moi, messire, à compter de demain, je resterai en arrière-garde.
    – J’y resterai aussi, dit Serrano.
    Teresa lui sourit et, le regard levé sur Tristan :
    – J’ai grand-hâte d’être à Toledo.
    Il acquiesça : lui aussi voulait instamment trouver un sûr refuge à Tolède !
    « Et si Girard ne le rejoint pas ?… Si ce saligot s’échappe ?… Ou si Girard le rejoint et que l’autre, sur un mauvais coup, parvient à l’occire ? »
    Comment ne s’était-il pas prémuni contre une désertion de cette espèce ? Il se sentait rougir de honte et d’inutilité. Dire qu’il s’était montré généreux !
    Eudes et Petiton se taisaient. Allaient-ils un jour ou l’autre se révéler aussi perfides et pernicieux que Flourens ?
    Il fut tenté de se tourner vers eux pour exiger quelque serment.
    « Non ! C’est ma faute. J’ai manqué de circonspection. Pourvu que je n’aie pas à m’en

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