Les fontaines de sang
repentir ! »
Il respira plus largement, lâcha la prise de son épée qu’il avait saisie lors d’un geste déraisonnable et s’aperçut, les mains ballantes, qu’à l’indignation et aux craintes premières succédait une autre espèce de peur : la sienne. Sa bouche asséchée se desserra :
– Nous sommes bons, honnêtes. Dieu doit nous aider. Et s’il ne le fait, nous saurons nous préserver… ! Vous préserver.
Le visage de Teresa s’inclina vers celui de Simon avec cette expression que les mères épouvantées par une inéluctable destinée refusaient de montrer à leurs enfants. Des sanglots réprimés menaçaient sa belle bouche pâle.
– Soyez forte, m’amie.
Tristan ne sut qu’ajouter. Quelque chose en lui venait de s’effondrer. Le courage ? La hardiesse ou l’espérance ? Il ne savait trop, maintenant, où il allait et ce qu’il lui fallait faire. Le temps lui durait. La rumeur des propos confiants ou non de ses compagnons s’intégrait aux battements de son cœur.
Longtemps il attendit, seul, au bord du chemin. Enfin dans le désarroi de ses facultés en alarme, le clapotement d’un galop assourdi par la distance fit renaître au sein même de son anxiété une sérénité qu’il avait crue perdue.
– Oyez ! dit-il à ses compagnons. C’est lui !
Le tambourinement des sabots devint de plus en plus sonore. C’était bien Coursan, l’infatigable coursier. Teresa s’évada de ses songes obscurs et sut ainsi que Lebaudy revenait.
Annexe I
Les causes de la guerre de succession bretonne
Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler succinctement les causes de cette guerre :
Au retour de l’expédition du pont de Bouvines où il avait accompagné Philippe de Valois, Jean III, duc de Bretagne, mourut à Caen sans enfants (30 avril 1341). Il laissait un frère et une nièce, Jeanne de Penthièvre, fille de Gui de Bretagne, comte de Penthièvre, frère puîné et germain (571) du duc Jean III et de Jeanne d’Avaugour. Elle était mariée à Charles de Châtillon, dit de Blois, fils de Gui, comte de Blois. Elle avait pour défendre sa cause le roi de France dont son mari était le neveu par Marguerite de Valois, sa mère, sœur de Philippe de Valois. La Bretagne française, composée des diocèses de Rennes, Nantes, Dol, Saint-Malo, Saint-Brieuc et de la partie orientale du diocèse de Tréguier, était favorable à Jeanne de Penthièvre. Son adversaire, Jean de Bretagne, comte de Montfort, frère cadet et consanguin (572) du duc Jean III, avait pour lui la Bretagne bretonnante : les diocèses de Quimper, Saint-Pol-de-Léon, ainsi que la partie occidentale du diocèse de Vannes.
Comme fille du second fils d’Arthur II, Jeanne devait selon la coutume bretonne, recevoir la succession de son père. Il en eût joui s’il avait survécu à son frère aîné. Elle avait la préséance sur Montfort qui n’était que le quatrième fils d’Arthur II. Elle avait des droits incontestables sur la vicomté de Limoges, héritage de Marie, sa grand-mère, que son compétiteur ne pouvait revendiquer à aucun titre, puisque fils d’Yolande de Dreux.
Jean de Montfort fit valoir le principe de l’hérédité masculine qui avait été invoqué pour l’accession de Philippe de Valois au trône de France. La guerre était inévitable. Montfort y reçut l’aide de sa femme, Jeanne de Flandre (fille de Louis de Flandre, comte de Nevers, et de Jeanne de Rethel) qu’il avait épousée en mars 1329. À sa mort (26 septembre 1345) elle lutta seule et conquit le surnom de Jeanne la Flamme. Réfugiée en Angleterre, elle fut assignée à résidence dans plusieurs châteaux d’Édouard III qui se chargeait de l’éducation de son fils (le vainqueur d’Auray).
Il est à peu près certain que Jean III, avant sa mort, avait fait un testament défavorable à Jeanne de Penthièvre. Charles de Louviers, un de ses proches, le vit ou en eut connaissance. Avant de rendre le dernier soupir, il réaffirma que son duché devait appartenir à son demi-frère mais, « ce qui paraît constant », écrit dom Morice dans son Histoire de Bretagne, « c’est que les deux aspirants au duché n’étaient point à Caen lorsque le duc y mourut, et ils n’ont pu, par conséquent, recueillir ses dernières paroles ». Jean III fut enterré, le 30 avril 1341, aux Carmes de Ploërmel. Il avait épousé successivement Isabelle de Valois (1297), Isabelle de Castille (1310) et Jeanne
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