Les fontaines de sang
fois de plus quand le bâtard de Sancey se sacrifie pour qu’il puisse s’enfuir.
On le voit partout : Normandie, Bretagne, Ile-de-France, Limousin. Le jeudi 10 avril 1354, ce grand ami de Charles et Louis d’Espagne, à la douteuse et sinistre réputation, dîne au château de Montmuran, chez la dame de Combourg, Jeanne de Dol, veuve de Jean de Tinténiac tué au combat de Mauron. Guesclin est présent. Calveley, informé, s’embusque avec ses hommes. Cependant, Guesclin a fait placer des guetteurs. La bataille a lieu sans Arnoul. Que faisait-il ? L’amour avec la dame ou avait-il trop bu ? Il prétendra qu’il n’a pas eu le temps de s’armer et n’apparaîtra qu’en voyant le combat, d’ailleurs inégal, tourner à l’avantage des Français et congratulera ses amis pour une bonne prise : Calveley est leur prisonnier.
Et il reprend ses « tournées » après lesquelles il se voit nommer lieutenant en Artois, Picardie, Boulonnois où des troubles commencent qui méritent, lui dit-on, une répression énergique. Mais Édouard III, sorti de Calais, vient derechef chevaucher en France. Le roi d’Angleterre évite les places fortes et s’avance vers Hesdin. Jean II marche à sa rencontre. Édouard III délie Boucicaut de son otagerie et l’envoie au roi de France pour lui offrir bataille. Le seul fait de porter le défi de l’Angleterre à Jean II libérait le maréchal de France du prix de sa rançon. Jean II n’accepte ni ne refuse le défi. Lassé d’attendre, Édouard III repart pour Calais. C’est alors seulement que, pour montrer un courage qu’il n’a pas, Audrehem sort d’Ardres avec 500 hommes. Ses cavaliers vont harceler l’ennemi, prétend-il. Or, il n’attaque pas. Les seuls Goddons qu’il assaillira seront quelques traînards surveillant des chariots de butin. Bilan de cette appertise : quelques chevaux et dix prisonniers.
Le jour où Édouard III revient à Calais (11 novembre 1355), Jean II se trouve à Fauqembergues. Arnoul l’y rejoint pour se vanter d’avoir contribué à la reculade définitive des Goddons. Le roi de France fait retraite vers Saint-Omer et tient conseil à l’abbaye de Saint-Bertin. Il décide d’envoyer Arnoul et Boucicaut à Calais pour demander bataille au roi d’Angleterre, « corps contre corps ou pouvoir contre pouvoir ». Ce sera, évidemment, un échec. Édouard III a d’autres soucis : il vient d’apprendre que les Écossais ont pris Berwick.
Comme toujours, la France manque d’argent. Jean II promulgue une gabelle et un nouvel impôt de 18 deniers par livre sur toute marchandise vendue (comment ne pas songer à notre TVA républicaine et autres pompes à finances ?). Les Normands protestent. Leur colère contagionne le pays. Arras se révolte. Le 1 er mars 1356, les officiers royaux sont menacés. Deux échevins, Le Borgne et Jacquemart Louchait, sont occis par des émeutiers qui tuent ensuite le ministre des Trinitaires et plusieurs bour geois. Arnoul part pour Arras avec ses hommes d’armes. Le 27 avril, il fait pendre plus de cent bourgeois. Ouf !… Est-il rassasié ? Non : le lendemain, à la suite d’une rafle sur le marché, il en fait décapiter 14. Ensuite – c’est une manie -, il accorde à la cité des lettres de rémission.
Il faudrait, bien entendu, suivre pas à pas cet homme avide d’argent et de pouvoir dans une Normandie livrée aux Anglais et aux partisans de Charles de Navarre. Le voir s’apitoyer faussement sur le sort des gens qui lui demandent le pardon du roi pour de grosses ou petites fautes (581) . Le voir, aussi, tenir ses comptes. Car tout ceci « rapporte » et Jean II, pour ses belles actions courageuses d’Arras, lui a octroyé une rente de 1 000 livres tournois transmissible à ses héritiers qui s’ajoute à sa pension de chevalier de l’Ordre de l’Etoile.
Et c’est Poitiers. Un désastre plus humiliant que Crécy puisque les leçons de cette défaite ne furent point retenues . À Crécy, on avait combattu le père Édouard III ; à Poitiers on allait affronter le fils. Auguste Molinier se sent gêné aux entournures. Il écrit :
Nous ne raconterons pas en détail les péripéties de bataille. Nous tâcherons seulement de marquer le rôle que joua Arnoul et de savoir s’il ne fut pas pour quelque chose, dans cet épouvantable désastre.
Or, l’essentiel responsable dudit désastre, c’est Arnoul !
Le 19 septembre 1356 au matin, quand les négociations ; eurent
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