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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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si pervers qu’il compatissait à la perte de ces quatre niais certainement peu redoutables en combat loyal.
    – C’est trop aisé, dit-il, la gorge sèche, une espèce de remords au cœur.
    Une froideur répulsive, prompte, inattendue, l’envahit à l’idée que l’aventure n’était point close et que ces quatre Navarrais comptaient peu dans la succession des prochains homicides.
    – Trop aisé, répéta-t-il sourdement.
    Bien qu’il se fût trouvé exclu de ces meurtres, il s’en estimait responsable. Cependant, il se ressaisit : sans l’autorité d’Her bault de Breteuil, ces victimes n’eussent point hésité à violenter les captives. Leur conscience était noire. Paix à leurs âmes.
    – Et maintenant ? demanda Thierry en frottant son poignard contre la flanchière 70 d’une selle. Faut nous hâter.
    – Ils étaient quinze, dit Paindorge. Ils ne sont plus que onze.
    – Cet Herbault en vaut deux, j’en jurerais, dit Thierry. Or, donques, allons-y et que Dieu nous garde puisque les prochains, nous ne les pourrons sabrenasser 71  !
    Le bassinet déclos, la senestre sur la prise de sa Floberge et suivi de Paindorge, porteur de la bannière, Tristan entraîna ses compagnons dans la cour immense et vide que le soleil embrasait. Il ne gouvernait plus les événements : il les subissait avec une espèce de lassitude. Il supportait mal, fervêtu, l’oppression d’un été qui s’annonçait d’autant plus accablant que l’hiver avait été féroce. Une sorte d’alanguissement pesait sur Ganne, que des mots n’eussent pu exprimer et qui semblait malséant au début d’un matin consacré à la violence.
    « Le même temps qu’en mon pays, et j’en suis emmaladi, moi, Castelreng ! »
    La nonchalance dont il se sentait envahi échappait à son contrôle. La peur le hantait. Ils n’allaient pas toujours gagner sans acquitter un tribut à leur bonne chance. Qui mourrait ?
    « Il nous faut pousser jusqu’à l’horreur, désormais, l’hypocrisie de nous prétendre Navarrais ! »
    Sa mauvaise conscience le triboulait. Derrière lui, dans le bruissement familier des plates 72 désunies puis ajustées sans trêve, Thierry et son beau-frère allaient silencieux. Matthieu et Tiercelet fermaient la marche. Devant, le long des deux vantaux entreclos, le guisarmier allait et venait, son arme sur l’épaule.
    –  Nous y sommes, dit Paindorge que la bannière embarrassait.
    Sous la voûte fraîche et ventilée, devant la porte fermée sur l’intérieur du châtelet, un huissier veillait, immobile, les mains coincées entre sa ceinture d’armes et son haubergeon. Une épée de passot dans un fourreau de cuir écorché par endroits et un clavier d’où pendaient deux grosses clés noires de vieillesse semblaient déhancher cet homme à visage de fesse-pinte (463) . Il salua sèchement et se rencogna dans son embrasure pour en interdire l’accès.
    – Où est Herbault ?
    – Il mange.
    – Il nous a conviés…
    – Je sais et vais vous mener à lui… Holà, toi !… Pose ta bannière contre ce cantalabre.
    Paindorge obéit. Le mur avait été construit en arêtes de poisson. Des guêpes nichaient dans ses aspérités. Voyant que Matthieu observait leurs vols brefs et nombreux, le garde sourit et empoigna la prise de son arme :
    – Elles sont avenantes si on les titille pas… C’est un peu comme nous, pas vrai ?
    Derechef, les cris des femmes recommencèrent.
    – Des otages ? dit Tiercelet.
    – Oui… Elles ont faim. On les nourrit une fois par jour. L’une d’elles est en gésine depuis hier soir…
    – Et vous la laissez sans soins ? s’étonna Paindorge.
    L’homme tapota son clavier pour avoir le plaisir d’en faire tinter les clés :
    –  C’est point aux hommes de s’occuper de ça… Pas de danger qu’elles s’en aillent, et quand l’enfant sera là, on verra ce qu’on en fera… Elles logent en face, derrière le petit huis caché par ce mur.
    Tristan se tourna vers une porte étroite et basse, presque invisible dans l’ombre.
    –  Y a-t-il un regard 73 en haut pour vous prévenir de la naissance ?
    – Pas besoin… Je suis là… J’entendrai jupper l’enfançon.
    Il fallait occire cet homme si imbu de lui-même et de sa prérogative sans que le guisarmier de l’entrée s’en aperçût. Les grosses mailles de son haubergeon eussent dû le protéger des épaules au menton, mais la chaleur était si forte qu’il avait passé sa

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