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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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défense de fer à l’envers – la poitrine pour le dos – dégageant ainsi un cou maigre et moite 74 . Qui allait se charger de cette immolation ?
    Le temps d’y penser, Matthieu tirait sa dague et frappait. L’homme tomba le dos contre la porte, les yeux exorbités de stupeur et de désespoir tandis que le sang issu de sa gorge béante éclaboussait la main meurtrière que le garçon frottait contre sa cuisse pendant que des guêpes s’empressaient d’aller butiner cette fleur rouge dont l’odeur trop connue répugnait à Tristan.
    Le guisarmier n’avait rien vu.
    – Je l’ai eu sans grand mal, pas vrai ? s’enquit Matthieu.
    Tristan se détourna pour échapper à la jubilation de cette face pâle qu’il ne reconnaissait plus. Matthieu avait commis ce nouvel homicide avec tant d’habilité, de célérité et surtout de délectation qu’il en était marri. S’il éprouvait, comme tout guerrier, de la satisfaction à occire des ennemis lors des batailles, il ressentait du dégoût pour ces exécutions trop aisées. La révélation d’un Matthieu froid et cruel aggravait sa malaisance.
    – Prends les clés, Thierry… Paindorge, accompagne-le. Même si aucun homme ne veille sur ces femmes, ne ressortez pas avant que nous en ayons terminé avec ceux d’en face.
    Tout était simple. Pourraient-ils indéfiniment triompher avec tant d’aisance et de promptitude ?
    « Cinq… Restent… dix… Si celui du portail n’est pas dangereux, nous devons ressoigner 75 les autres. »
    Tristan se tourna vers Ogier d’Argouges, Tiercelet et Matthieu :
    – À nous… mais avant, permettez…
    L’ayant saisi par les chevilles, il éloigna du seuil le corps du garde exécuté, puis il poussa la porte, dégageant un escalier dont les degrés volutaient dans l’ombre. En haut, il y avait du vacarme et des rires.
    – Avez-vous reconnu, messire Argouges, parmi les Navarrais occis, des gars qui vinrent vous chercher à Gratot ?
    – Le porte-clés en était… et cet Herbault à courte vue… Mais il faut dire que tout s’est vélocement passé… Je crois bien que Jean de Grailly commandait à ces malandrins… Il ne s’est pas montré… Il était à cheval sur le seuil de la chapelle. J’ai cru le reconnaître aux coquilles de ses armes 76 .
    – Eh bien, messire, nous allons vous venger. Êtes-vous prêts, tous ?
    La Floberge brilla. Tristan la tint devant lui, verticale, afin de ne pas toucher le mur. L’émoi, le terrible émoi d’avoir à manier sa lame réintégra son cœur, ses poumons, ses entrailles tandis qu’il s’élevait dans l’escalier de pierre aux degrés évidés en leur milieu par des milliers de passages.
    – Ils mangent et s’ébaudissent, dit Matthieu d’une voix enrouée.
    Du pied, Tristan poussa une porte. Il vit des hommes attablés dans une salle dont l’ameublement consistait en une longue table couverte de victuailles et un râtelier d’armes à demi plein. Deux étroites baies découpaient le ciel. Dans l’âtre rôtissait un agneau doré sur un flanc, charbonneux de l’autre. Aux poutres du plafond frémissaient des lambeaux de toiles d’araignes.
    – Holà ! dit Herbault de Breteuil, debout. Que signifient ces épées ? Est-ce avec elles que vous piquez les viandes ?
    Il riait aigrement : il avait compris.
    – Que voulez-vous ?
    – Les otages… Ma fille et ma meschine, gronda Ogier d’Argouges en relevant complètement la visière de son bassinet.
    Le capitaine navarrais, étayé par ses poings posés sur la table, se balança d’avant en arrière :
    – Argouges… Il m’avait bien semblé vous reconnaître… Votre viaire demi-clos n’a cessé de m’induire en erreur.
    Le seigneur de Gratot chassa de la main ces propos :
    – Non seulement je ne vous prie pas, messire , de me restituer Luciane et Guillemette, mais je les viens rescous 77 par la force.
    Les sourcils d’Herbault frémirent :
    – Oh ! Oh !… Je sais fort bien que vous n’êtes pas seul… mais moi non plus !
    Les hommes s’étaient levés. Tristan en compta huit. L’un d’eux, baissant le front comme un taureau furibond, grommela lorsqu’il eut soufflé profondément :
    – Ces femmes nous appartiennent.
    – Aucune, dit Tristan. Nous ne vous prions pas de nous les rendre. En vérité nous les avons déjà sauvées.
    Les Navarrais s’entre-regardèrent, déconfits dans leur esprit avant même que ce fût autrement. Ogier d’Argouges abaissa son arme

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