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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Un tic étira de côté les grosses lèvres d’un capitaine d’aventure qui avait autrefois disposé de cent hommes et n’en commandait plus guère.
    – Quinze… J’attends mon frère qui, lui, n’était sûrement pas à Cocherel, mais à Vernon. Quand il m’aura rejoint, nous irons à Césarbourg (460) … Entrez.
    Impossible de demander : « Avez-vous des prisonniers ? » sans aggraver une légitime méfiance. Ce frère attendu était-il un des ravisseurs de Gratot ?… Luciane et Guillemette étaient-elles seulement là, vivantes, dans ce châtelet sous la voûte duquel Paindorge passait en toussant un peu trop pour signifier qu’il était prêt à l’action ?
    « Pourvu que le frère de ce coquin n’arrive pas maintenant avec un surplus de malandrins ! »
    Tristan se détourna. Son écuyer examinait avidement la cour à demi pelée où il allait falloir s’entre-tuer. Les archers déposaient leur arc pour aller, à trente pas, compter leurs points sur une porte hérissée de sagettes où l’un d’eux, à la craie, avait tracé des cercles concentriques. Ceux-là, il faudrait les empêcher d’encocher un seul trait.
    Derrière, sombre et méditatif, Tiercelet s’intéressait surtout aux palefreniers. Aucun d’eux n’avait une arme, pas même, apparemment, un poignard à la ceinture. Matthieu, tout proche du brèche-dent, songeait qu’avant de tirer l’épée, il pourrait manœuvrer la hampe de sa bannière dépourvue, cependant, d’un arestuel 64 . Derrière enfin, sous des visières mi-closes, Tristan entrevit les prunelles brillantes et dilatées d’Argouges et de Champartel, tout entiers requis par ce qu’ils examinaient et prévoyaient. Il était aisé d’imaginer leurs mains parcourues de démangeaisons mollement assujetties aux rênes, et de les deviner en proie à cette fausse malefaim qui grignotait, à la guerre et avant un assaut, les estomacs et les entrailles des plus vaillants.
    Au sablier du temps saturé par l’angoisse, les grains tombaient, irrésistibles. Il fallait maîtriser ses nerfs et son courroux. La voûte désormais franchie, il eût convenu de mettre pied à terre, les uns prestement, les autres avec une feinte difficulté d’homme blessé… Non ! Tous restaient en selle afin, déjà, de dominer l’adversaire.
    « Merdaille ! » enragea Tristan, « nos deux malebouches sont en train de clore ces lourds vantaux… Pourvu qu’ils ne mettent pas le correau (461)  ! »
    Ne plus se retourner. L’entrée demeurerait sous la garde du guisarmier. Il faudrait employer une astuce pour l’occire… Feindre, désormais, d’être à l’aise ; faire coïncider la réalité avec le dessein apprêté la veille au soir ; en exécuter tous les actes aisément, fermement et sans défaillance.
    – Où sont les écuries ?
    – Là-bas, dit Herbault de Breteuil. Cette porte derrière les palefreniers.
    – Y a-t-il de quoi dégourmer (462) nos chevaux et leur donner de l’espace ?
    Le Navarrais interpella les archers :
    – Holà ! Vous deux. Aidez nos compagnons à l’écurie. Faites de la place pour leurs chevaux, abreuvez-les, emplissez leurs mangeoires, mais souvenez-vous qu’ils vont repartir avant midi !
    Les goujats qui avaient cessé d’étriller le cheval à la robe grise recommencèrent lentement leur besogne. Ils avaient l’un et l’autre une dague dans un de leurs houseaux. Le manche, visible des quillons au pommeau, attestait d’une bonne longueur de lame.
    « Ça ne sera point une riole 65  », songea Tristan dont le courage s’amenuisait.
    – Je vous laisse, dit Herbault. Je vais vous faire apprêter de quoi manger. Ensuite, vous partirez. Nous n’avons nul besoin de vous.
    Il s’éloigna en boitillant un peu sur les mottes de la cour.
    – C’est bien lui qui commandait à Gratot, dit Thierry en déchaussant ses étriers. Il semble qu’il ne nous ait pas reconnus, hein, Ogier ?
    Ils mirent l’un et l’autre pied à terre.
    – Non… Nos bassinets nous dissimulent autant que des faux-visages 66 .
    Argouges s’exprimait d’une voix sifflante, essoufflée. Tristan, d’un geste, l’apaisa :
    – Quand nous sommes passés sous la voûte, j’ai entrevu, à dextre, une porte. Tiens, voyez : c’est celle que ce Breteuil cogne de son poing.
    Tous observèrent le capitaine.
    – Holà ! Mes gars, criait le Navarrais, que vous prend-il ?
    Laissant Malaquin seul, Tristan rejoignit le seigneur de

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