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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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« Heureusement que les viaires 61 de nos bassinets protègent en partie nos visages. » Promptement, il usa d’une réplique cinglante :
    – Tu nous aurais vus, compère, si tu t’étais trouvé à Cocherel. Et toi aussi ! Combien de survivants sont à Ganne où, avant la bataille, le captal de Buch nous a promis d’être fraternellement conjouis ?
    – Un seul. Il a perdu la main dans cet estour 62 . Lui, on le connaît !
    Tristan se dit, rassuré : « Deux hommes que voici, plus un que j’élimine. Combien en reste-t-il ? » Il talonna Malaquin. Le cheval fit deux pas et s’immobilisa. Il avait franchi le seuil à mi-corps.
    – T’ai-je dit d’entrer ? Fais reculer cette bête !
    – Elle a faim et elle est hodée…
    Le capitaine était vêtu comme un manant : pourpoint de coutil noir, hauts et bas-de-chausses gris, heuses de daim. Point d’éperons. Une ceinture d’armes large, épaisse, cloutée d’argent le ceignait, après laquelle pendait une épée assez courte au pommeau et quillons de cuivre.
    – Qui es-tu ?
    – Et toi ?
    – Herbault de Breteuil, ancien centenier de Philippe de Navarre et lieutenant de Pierre de Sacquenville.
    Il fallait désormais dire n’importe quoi :
    – Renaud de Monthaut (458) . Je n’ai jamais commandé à cent hommes. Une douzaine me suffit.
    – Ton nom m’est inconnu ainsi que ton visage.
    – Il me semble t’avoir déjà vu dans l’entourage de messire Charles, mais je ne sais plus où et quand. Et lorsque je dis Charles , il s’agit du roi de Pampelune, pas du nouveau maître de la France.
    Le mensonge fit son effet. L’homme gratta le chaume ébouriffé de sa tête :
    – Que voulez-vous ?
    – Je vais me répéter : faire halte céans le temps que mes compains soignent leurs navrures, que nos chevaux s’abreuvent… et nous aussi.
    Tristan s’interrompit. Rien en lui, du moins le souhaitait-il, ne dénonçait son trouble. À sa volonté d’entrer s’opposait, composée de prudence et de morosité, l’indécision de ce capitaine qui sans doute avait contribué à l’enlèvement de Luciane. L’image de la pucelle toute proche, prisonnière de quelques malandrins pareils à ceux de Brignais, démangés par l’envie d’un rapt (459) aiguillonna son impatience :
    – Alors, cesserez-vous de nous faire languir ?
    Entre les cils frémissants du chef navarrais, une mince lueur suinta pour se poser sur la bannière de Matthieu et trouver, dans ses plis mouvants, une réponse dont la maturation exaspéra le garçon :
    –  Eh bien, quel accueil !… J’espère, messire Renaud, que vous en toucherez deux mots… et même trois au prince Charles quand vous le reverrez.
    – Votre nom, messire, demanda de loin Thierry en contrefaisant sa voix, c’est bien Herbault de Breteuil ?
    – Oui.
    – Je le retiendrai.
    Tristan crut bon d’insister :
    –  Monseigneur Charles, qui devrait incessamment quitter Pampelune, sera content d’apprendre que tu as mis, Herbault, notre parole en doute… Et maintenant que j’y pense, n’est-ce pas chez son mains-né, Philippe de Navarre, que nous nous sommes vus il y a quelques années ?
    Cette allusion parut ébranler le capitaine navarrais. Il fit derechef l’effort visible – et pénible – de sonder les vestiges entassés au tréfonds de sa mémoire sans parvenir à reconnaître – et pour cause – ce compère dont la présence ressuscitait sans doute dans son esprit, des hommes, des échauffourées, des châtelets et des campagnes. Cillant des paupières, il s’exprima enfin d’une façon moins hautaine :
    – Il se peut, en effet, que nous nous soyons vus, mais ton nom ne m’en dit pas plus que ton visage. Cependant, ton gonfanon et les navrures de tes hommes m’obligent à te conjouir… sans empressement. Soignez-vous puis partez en vos demeures que vous n’auriez pas dû quitter pour aller vous faire meshaigner 63 à Cocherel.
    Il riait, à présent, tout en poussant le vantail entrouvert dont les gonds rouillés couinèrent. Tristan vit dans la cour deux archers qui s’exerçaient.
    « Mauvais », songea-t-il en apercevant, plus loin, deux palefreniers occupés à panser un cheval gris et nerveux qui, sans doute, revenait, lui aussi, de Cocherel.
    « Deux près de nous, deux archers, deux goujats. Six déjà ! »
    –  Combien, Herbault, êtes-vous ?
    Il s’attendait à une réponse du genre : « Tu es bien curieux ! » Il n’en fut rien.

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