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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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femme se recula :
    – La guerre !… Y trouves-tu moult plaisances que tu en parles sur un ton de regret maintenant où, justement, tout est chaud et paisible ?
    – Je n’y trouve aucune plaisance. Elle m’inquiète… et cette paix qui nous est chère pourrait la ressusciter. Cela peut te paraître insensé, mais j’ai peur qu’elle ne survienne en Bourgogne, Normandie, Langue d’Oc ou Bretagne…
    – N’y songe point.
    – C’est parce que je suis heureux près de toi que j’y songe… La guerre m’a épuisé en partie. Toi, tu m’as… régénéré… Si un conflit renaît, je ne pourrai m’y soustraire.
    « Et puis », se dit-il, « il y a ce quauquemaire (480)  !  » À trois reprises, il avait troublé ses nuits :
    Il quittait, Luciane à son bras, Notre-Dame de Coutances où venait d’être célébré leur mariage quand une familière rumeur de troupe en marche les immobilisait, inquiets, sur le parvis. Soudain, dans un angoissant froissement de bannières, des cliquetis d’armes, des brillances d’armures et le tonnant chant de guerre, l’Homme, l’homme armé, les guerriers apparaissaient, conduits par un Guesclin hilare :
    « Holà ! Castelreng. » Le Breton s’empressait de mettre pied à terre et se précipitait vers les nouveaux époux afin d’enjoindre, face à face, au marié : «  Laisse ta belle et suis-moi ! Tu pars ostoier (481) avec nous ! Mandement du roi Charles. » Chaque fois, après avoir subi ce méchant rêve, il avait été incapable de recouvrer le sommeil. Au matin, il parvenait à oublier son épouvantement nocturne, car c’était bien de l’épouvante qu’il avait éprouvée en voyant paraître, sous le plomb de ses paupières, le fantôme du Breton. Pour rien au monde, lorsque Luciane lui demandait la raison de sa maussaderie, il lui eût révélé la nature d’une inquiétude, certes infondée, mais qui tournait à la hantise.
    Ils revinrent lentement vers leurs amis. Tristan s’allongea dans l’herbe. Luciane le titilla au visage avec un brin de menthe sauvage.
    – Savez-vous, Père, ce qu’il dit ?… Que la guerre l’a épuisé !
    – Je conçois cela… Si l’on me commandait de rejoindre l’ost, eh bien, je crois savoir ce que j’éprouverais. De la grogne et du dégoût… Peut-être une grande bataille me guérirait-elle à jamais de cette mélancolie que j’ai contractée lorsque je te cherchais et qui s’est aggravée lors de ma réclusion à Hambye.
    On se récria, surtout Adèle de Champsecret.
    –  Allons, Ogier, ne parlez point de la guerre comme d’un souverain remède !
    Derechef Luciane cligna de l’œil en direction de Tristan qui, les paupières décloses, s’était appuyé sur un coude. « As-tu ouï cela ? Elle ne l’appelle plus messire, mais Ogier ? » Elle n’en avait point déplaisance et, après tout, il était possible que cet homme-là trouvât dans la guerre une médecine contre la maladie et les malignités de l’âge.
    Paindorge s’aperçut le premier des progrès du crépuscule.
    – Holà ! Bientôt ce sera la vesprée.
    Le ciel s’assombrissait. Le vent se levait : celui du soir, aigre et salé dont les mugissements, la nuit, incitaient à des rapprochements chastes et prolongés. Il fallut remplir les paniers. Les hommes s’en chargèrent et les portèrent cependant que les dames les précédaient, bras dessus, bras dessous, et que leurs rires pétillaient comme cidre. Luciane était au centre, entre Ermeline et Adèle. Il semblait que ce fût la plus gaie.
    –  La guerre, dit Ogier d’Argouges. Sans doute y retrouverais-je un peu de ma jeunesse…
    Tristan s’interrogea sur la tristesse qui l’étreignait tout à coup. Était-ce parce qu’il était heureux que la morosité s’insinuait imprévisiblement dans son plaisir et tentait de le réduire en cendres ? Était-ce l’allusion d’Ogier d’Argouges aux propriétés curatives – pour lui – de la guerre qui lui communiquait ce désenchantement ? Il se vit obligé de quitter Luciane – dernier baiser, dernière étreinte – et chevauchant dans une plaine déserte limitée en ses quatre côtés par de hautes et farouches montagnes. Tout son être protesta contre ce qui suivait, ce qui le suivait : des chevaliers, des écuyers et des hordes inacceptables ; celles qu’il avait abhorrées à Brignais avant que de les fuir.
    Luciane l’attendit sur le pont-levis.
    – Laisse agir le temps, dit-elle tandis

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