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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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peinture est trop précieuse et me veux en avance sur notre temps !…
Mes tableaux, on n’y résiste pas !… Mais j’écris aussi !…
    — Est-ce possible, madame ? demanda
Sébastien de Frontignac, livide.
    Rappelant hululement de chouette en état de
grande nervosité, la baronne Jeanne partit d’un rire sinistre qui fit écho en
les combles et les greniers car, masquant un instant le clair de lune, on vit s’envoler
à tire-d’aile et en grande urgence milliers de chauves-souris.
    Ignorant l’incident, la baronne reprit :
    — Des drames, des comédies, des pièces en
vers ! J’aime le comique, et voyez-vous j’ai écrit voici deux ans farce à
laquelle âme bien née s’émeut : on n’y résiste pas !… Il s’agit du Cid de monsieur Corneille. Imaginez que dans cette farce, le Cid a… des
vers !
    Les convives, consternés, se regardèrent avec
accablement.
    — Vous auriez donc fait cela, madame ?
demanda Frontignac qui semblait fasciné.
    — Je l’ai pensé, puis je l’ai osé ! Jeune
homme, on n’y résiste pas !… À la fameuse réplique : « Rodrigue,
as-tu du cœur ?… », mon héros répond : « Et bien autre
chose encore, malheureusement ! » en se grattant le derrière mais la
cotte de mailles qu’il porte ne lui facilite point la chose et le bruit de ses
gants de métal contre la cotte de fer : on n’y résiste pas. Alors il
rencontre Chimène qui, fort gênée qu’il se gratte ainsi le derrière devant toute
la Cour, lui conseille de prendre médecine mais mon Cid refuse. Savez-vous ce
qu’il répond ?
    — Je n’ose l’imaginer ! répliqua
Frontignac qui croyait vivre fort vilain rêve.
    — Mon Cid répond : « Non point,
madame, je garde mes petits compagnons ! » On n’y résiste pas !…
    Son grand rire sinistre, solitaire et glaçant
retentit une fois encore, décidant l’ultime chauve-souris, sans doute fort âgée,
à choisir l’exil.
    La baronne poursuivit, cette fois d’un ton
plus réservé :
    — J’ai envoyé mon Cid à monsieur
Pierre Corneille.
    — Et qu’a répondu le maître ? demanda
Maximilien Fervac.
    — Il n’a point répondu, troublé, sans
doute, d’une telle imagination dont l’origine, sa pièce, n’est qu’un drame de
grande banalité.
    Brusquement, la baronne Jeanne se frappa le
front.
    — Je tiens mon œuvre en mon boudoir et
vais vous la quérir pour vous en donner lecture. Quatre actes qui passent comme
un souffle car…
    — … On n’y résiste pas ! coupa
Florenty.
    — Précisément ! répliqua la baronne
en se ruant vers l’escalier de pierre.
    L’air grave, Melchior Le Clair de Lafitte se
tourna vers ses compagnons :
    — Madame, messieurs, officiers du roi ou
pas, « Foulards Rouges » ou pas, il est des circonstances où il faut
savoir abandonner le champ de bataille et faire retraite en grande hâte.
    La débandade fut immédiate.
    La pièce tendue de
vert tendre, le lit recouvert d’une étoffe de satin bleu brodé d’or et les
rideaux de velours d’un vert profond, point de doute, on leur avait attribué la
plus belle chambre du château. Précisément, celle qui se trouvait la plus
proche, par la vue, d’une grotte étrange creusée voici peu d’où s’écoulait un
ruisseau en cascade et l’on eût dit des gouttes de cristal rebondissant sur les
roches brunes. L’ensemble faisait songer à une œuvre du grand fontainier
Francini.
    Le comte de Nissac s’arracha à la
contemplation du jardin et, lâchant le rideau, se retourna.
    Mathilde lui faisait face, souriante.
    Elle avait conservé ses hautes bottes rouges, ses
bas, ses jarretières rouges et la rose rouge toujours piquée en ses cheveux
noirs, au-dessus de l’oreille gauche.
    Ainsi pensait le comte que, lorsque pour faire
l’amour, la plupart se mettent nus, à considérer que, l’amour est une fête, il
convient de se vêtir pour cette fête de tout ce que l’on dissimule au regard
des autres. En quoi il se montrait différent.
    Il s’approcha d’elle d’un pas qu’il eût
souhaité mesuré mais qui fut proche du pas de charge.

56
    Le comte de Nissac et Henri de Plessis-Mesnil,
marquis de Dautricourt, entrèrent dans Paris par la Porte Saint-Martin à quatre
heures de relevée.
    Ils venaient tous deux en reconnaissance, madame
de Santheuil et les Foulards Rouges attendant à moins d’une lieue de la
capitale.
    Nissac se sentait mal à l’aise et la raison n’en
était point que Paris fût ville

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