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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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très subtil et très méritant Jérôme de Galand n’eût point un
instant à consacrer à l’Écorcheur, c’est-à-dire à lui-même.
    Quand Ferrière, surpris de ces réponses, lui
demanda ce qu’il comptait faire, Jérôme de Galand répondit en souriant :
    — Mais démasquer l’Écorcheur !… Je
ne lâcherai point cette affaire qu’elle ne soit résolue et le coupable châtié. Maintenant
plus que jamais, mais avec discrétion et sans qu’on nous inquiète ou nous
soustraie l’affaire.
    Vers le soir, ils
arrivèrent à Sens où le baron Le Clair de Lafitte, descendant d’un écuyer d’Henri
le quatrième, avait fort beau château au milieu de grande forêt.
    Peu avant d’y pénétrer, le baron se tourna
vers ses amis et, ne semblant point très à l’aise, précisa :
    — Mon épouse, la baronne Jeanne, est
personne fort gentille, très aimable et en tous points parfaite, comme en l’éducation
de mon fils de deux ans… Cependant, elle est accablante avec son incessant
babillage au point que je préfère le roulement sinistre des tambours de l’armée
du roi d’Espagne !… Aussi, de grâce, ne lui en veuillez point de ce
penchant de sa nature et, surtout, évitez de prolonger la conversation car ce
serait donner souffle nouveau à son vice, et comprenez que j’ai choisi le
métier des armes pour me tenir le plus loin possible de cette créature… adorable !
    « L’adorable créature » se montra
réservée en faisant visiter les chambres. Elle autorisa en souriant et sans
commentaires le comte de Nissac à cueillir une rose en le jardin sous verre
afin qu’il l’offrît à madame de Santheuil qui, incontinent, la piqua en sa
belle chevelure brune.
    Fort soucieuse d’étiquette, la baronne Le
Clair de Lafitte installa le comte de Nissac en la place d’honneur : général
en l’armée du roi, il était le plus haut en grade. Noble, ses origines
remontaient en la nuit des temps.
    On servit potage d’oie aux pointes d’asperges
et lard, potage aux épinards, hirondelles, perdrix rôties en sauce à l’espagnole
et pigeons au basilic, pièces de bœuf, poulets et oies, puis variétés de
fromages de la région de Sens.
    Certains Foulards Rouges, mais aussi et
principalement madame de Santheuil qui ne goûtait point du tout certains
préjugés concernant les femmes, commençaient à trouver leur hôtesse des plus
charmantes et le baron Melchior Le Clair de Lafitte bien vil calomniateur
lorsque, en toute innocence, monsieur le baron de Bois-Brûlé se tourna vers la
femme de Melchior :
    — Madame, non seulement votre table est
une des meilleures du royaume, mais vous l’avez décorée avec grand art… L’éclat
de ces fleurs, la nappe finement brodée, la grande beauté de cette vaisselle
ancienne… C’est œuvre d’art vivante, que cette table !…
    D’un ton réservé, et presque à voix basse, Jeanne
Le Clair de Lafitte demanda à son interlocuteur :
    — Iriez-vous jusqu’à dire, baron, que je
suis une artiste ?
    Le baron de Bois-Brûlé distingua bien, à l’autre
bout de la table, Melchior qui lui adressait signes nombreux et discrets avec, sur
le visage, une étrange expression de désespoir mais il songea que son ami
exagérait et, faisant fi des muets avertissements, il répondit avec chaleur et
force sourires :
    — La chose n’est point douteuse, madame.
    Jeanne le regarda avec une profonde sympathie
et dit d’une voix où vibrait l’émotion :
    — Et le compliment me vient d’un homme
qui joua la comédie devant le roi !
    Partagé entre la peur de décevoir – il n’avait
joué que sur des places publiques en les foires – et un certain orgueil, monsieur
de Bois-Brûlé opina vaguement :
    — Le roi… Le roi… Était-il là ce soir-là ?…
Ce me semble, en effet.
    Jeanne jeta un regard glacé à Melchior.
    — Entendez-vous cela ?
    — Hélas ! maugréa Melchior.
    Saisissant la main de monsieur de Bois-Brûlé, Jeanne
Le Clair de Lafitte lui adressa un regard tout de bonté retenue :
    — Cher ami !… Artiste, moi… mais la
chose est d’évidence ! Je chante en pleine nuit répertoire gaillard à y
perdre le souffle !… Ah, savez-vous, on n’y résiste pas !… Et je
peins !… Je peins des orties, des insectes sauvages et cruels, des chaises
percées ricanantes, des pommes pourries, déjections de vaches joufflues, avenants
bubons de peste, urines séchant au grand soleil d’août car voyez-vous, je pense
que notre

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