Les foulards rouges
expliqua :
— Un des Vikings qui punissaient ces
malheureux déserta et se convertit à notre religion. Il devint moine et, longtemps
après, écrivit toute l’histoire qu’on ne prit point au sérieux en cette
lointaine époque. Ce navire n’est pas un bâtiment de siège Viking qui assurait
les liaisons mais un drakkar de haute mer. Sachez qu’à partir de l’an 846 et, pendant
quarante ans, les Vikings ont attaqué et parfois assiégé Paris. Regardez la
beauté de ce navire : soixante pieds de long, le gouvernail, les tapons, les
trous de nage… Ces hommes, parmi les meilleurs guerriers de la flotte viking, volèrent
le trésor de guerre mais furent interceptés. Leur roi, dont le nom ne nous est
point connu, les punit en les emmurant vivants dans une des nombreuses grottes
qui bordaient la rivière en ce temps-là. Le roi, sans doute pour faire un
exemple, les emmura avec ce trésor qui les déshonora et, en cet endroit, ne
pouvait leur servir, leur rappelant en tout instant leur faute.
Il marqua une courte pause et se tourna vers
Nissac.
— Allons-nous vraiment offrir tout cela à
ce Pulcinella ?
Nissac répondit à mi-voix :
— L’offrir à la couronne aujourd’hui, c’est
le donner en héritage, demain, à la République.
Le général des jésuites hocha lentement la
tête. Nissac sentit sur lui les regards des hommes fatigués et celui, admiratif,
de la baronne de Santheuil. Il eut un geste vif et ordonna :
— Le trésor dans les barques !
68
Une fois trompés les barrages des Condéens, et
atteintes les lignes de l’armée royale, Nissac requit deux chariots qu’il fit
conduire par des mousquetaires, lui-même, ses Foulards Rouges et vingt dragons
escortant de très près le convoi.
La Cour s’étant installée à Saint-Denis depuis
la veille, 29 juin, le voyage ne fut point long, ni fatigant.
D’autorité, le général de Nissac fit déposer
les lourds coffres en les écuries dont il fit interdire l’entrée par les vingt
dragons.
Prévenu par un billet qu’un trésor « d’importance »
l’attendait, Mazarin arriva aussitôt à très vive allure, accompagné du roi et d’Anne
d’Autriche.
Les huit Foulards Rouges, qui se tenaient
devant les cinq coffres, la main sur la garde de l’épée, s’écartèrent.
Approchant des doigts tremblants, Mazarin
souleva le couvercle du premier coffre et resta sans voix. Puis, dans une hâte
fébrile, il ouvrit les quatre autres.
Le roi s’approcha, saisit une très ancienne
couronne de roi carolingien et l’observa avec la plus grande surprise :
— Mais c’est là royal attribut ! dit-il.
Mazarin s’empara d’autres objets, les reposant,
fouillant dans les coffres puis, assez pâle :
— Trésor royal et d’Église sont mêlés. Certains
de ces joyaux avaient disparu depuis des siècles !… Nissac, comment la
chose est-elle possible ?
Omettant de citer le duc de Salluste de
Castelvalognes, qui ne l’eût pas souhaité, et prétendant agir sur la foi d’un
très ancien parchemin, ce qui ne constituait point fausseté, le comte raconta
la découverte du drakkar.
— Il faut conserver les attributs royaux
et d’Église ! dit Anne d’Autriche d’un ton qui n’invitait point à la
discussion.
— Il en restera bien assez ! dit le
cardinal.
Le roi, avant de se retirer, regarda chacun
des Foulards Rouges, puis :
— Madame, messieurs, vous êtes les plus
fidèles de mes sujets. Je ne l’oublierai jamais.
Il sortit, accompagné de sa mère, Anne d’Autriche.
Mazarin ne savait plus très exactement ce qu’il
admirait le plus, du fabuleux trésor ou de « ses » Foulards Rouges
qui, à tout instant, rendaient possible ce qui ne le semblait point.
Annulant ses obligations, il organisa rapidement
un succulent repas avec sa troupe d’élite et décréta deux jours de repos
obligatoire ici même ou en la ville de Paris… précisant cependant, le regard
par en dessous, que certaine forme de fatigue n’entrait point en cette
obligation.
Aussi, tous retournèrent à Paris, à l’exception
de Sébastien de Frontignac qui souhaitait faire avancer sa cause auprès de la
très jolie Catherine de Dumez, qui se trouvait à la Cour.
Nissac, acceptant un
peu à regret de céder à l’insistance du cardinal, laissa ses Foulards Rouges
disposer de leur temps, bien que sa crainte fût grande de voir ses hommes se
détacher de l’action et n’y revenir qu’à contrecœur.
Ses craintes se
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