Les foulards rouges
Pulcinella…
— Mazarin. Un
cardinal, tout de même.
— Si peu cardinal, mais homme d’État qui
ne manque pas d’intérêt. Eh bien ton Pulcinella, tout comme le roi et le
maréchal de Turenne, piétine encore et tarde à écraser la Fronde. Or, j’ai de
mauvaises nouvelles par la voie catholique, donc de bonne origine : les
Espagnols vont intervenir directement pour que le sort des armes soit enfin
favorable au prince de Condé. Cela ne se peut, nous reculerions de deux siècles.
Nissac hocha la tête.
— Malgré les renforts, l’armée royale s’épuise.
Il faudrait toujours davantage d’or.
— Il s’agit de cela. Rassemble tous tes
Foulards Rouges, à minuit, derrière la cathédrale. Venez sans chevaux, mais
avec grand courage. Deux barques vous attendront, et je serai dans l’une d’elles.
— Nous allons détrousser un financier
secret de la Fronde ?
— Non, nous allons vérifier bien étrange
et ancienne légende. Et très certainement mettre au jour l’un des plus fabuleux
trésors qui soit au monde… Si nous arrivons jusque-là !
Rien ne distinguait
cet endroit de la berge, fort escarpée, si ce n’est qu’une croix de Saint-André
blanche marquait la paroi et qu’une corde pendait depuis le surplomb.
Adroitement, un jeune jésuite saisit la corde
et la passa en un anneau de fer de la barque avant de faire un nœud solide que
le courant assura davantage.
La barque s’immobilisa, et avec elle une
seconde, amarrée à la précédente.
Tous les Foulards rouges se trouvaient là :
madame de Santheuil, Nissac, Frontignac, Le Clair de Lafitte, Fervac, Bois-Brûlé,
Florenty et Dautricourt.
Côté jésuite, le général s’était adjoint six
jeunes prêtres de forte constitution. Au fond des barques gisaient pics, pelles
et pioches.
Comme ils en étaient convenus, le comte de
Nissac et le général des jésuites désignèrent deux fines lames – Fervac et Le
Clair de Lafitte – pour le premier, un jésuite dont l’oreille était d’une
finesse peu commune pour le second.
Ainsi le petit groupe pouvait-il espérer n’être
point dérangé et, le serait-il, se défendre aussitôt.
Lorsque les trois hommes, utilisant la corde, se
furent hissés sur la berge, les autres attaquèrent au pic la paroi escarpée en
l’endroit où se voyait croix de Saint-André, soit à deux pieds au-dessus du
niveau de la rivière de Seine.
L’espace ne permettait qu’à deux hommes de
travailler et on les remplaçait toutes les cinq minutes. Les autres, à la pelle,
dégageaient du plancher de la première barque les éboulis de terre et de
pierres qui y tombaient.
Au bout d’une demi-heure, le trou d’une
circonférence d’une demi-toise se trouvait si avancé qu’il fallut y grimper et
travailler courbé. Malgré l’ardeur des Foulards Rouges et des jésuites, l’avancée
se trouva ralentie et les hommes qui se remplaçaient, couverts de terre, éprouvaient
de plus en plus de peine.
Enfin, au bout d’une heure et demie, le pic
rencontra le vide et le trou agrandi permit d’aboutir en une galerie.
On fit redescendre de la berge Fervac et Le
Clair de Lafitte. Le jésuite à l’oreille fine, détachant la corde, plongea dans
la rivière où on le repêcha avec diligence.
Alors, on renvoya deux des jésuites avec les
barques et ordre de revenir toutes les heures.
La galerie, à la lueur des torches, ne
paraissait point grande et la moitié se trouvait sous les eaux.
Sur un signe de son général, un jeune jésuite
s’avança dans l’eau qui bientôt atteignit sa poitrine mais, dès alors, la pente
remontait pour aboutir en un endroit hors d’eau où se voyait gros tas de
pierres.
Les Foulards Rouges et les prêtres rejoignirent
le jeune jésuite, traversant en se trouvant encombrés de pics, pioches, pelles
ou torches et, lorsque tous furent de nouveau sur la terre ferme, le général
des jésuites lança un ordre bref :
— Jetez les pierres à l’eau. Il y a un
passage derrière.
On se mit de nouveau à l’ouvrage. Les mains, fatiguées
et écorchées par les instruments de travail, saignaient à manipuler autant de
cailloux.
— Je sais ce que tu penses ! dit, en
souriant, le duc de Salluste de Castelvalognes à l’adresse du comte de Nissac
qui, d’un revers de main, essuyait son front couvert de sueur.
— Et comment le sauriez-vous ? répondit
le comte, amusé.
— Mais parce que je t’ai élevé, lettre
après lettre, et pendant tant
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