Les foulards rouges
malgré leur
courage, furent défaits.
Monsieur le prince de Condé se sentait perdu, sachant
que Turenne attaquerait à l’aube avec toute son armée ; aussi
installa-t-il ses troupes devant les murs de Paris, Porte Saint-Antoine, à un
jet de pierre de la Bastille.
L’aube du 2 juillet se leva sur cette
situation étrange où Condé privé de son artillerie qui n’avait point rejoint se
trouvait dos au mur de Paris, les échevins ayant ordonné la fermeture des
portes, tant était grand le risque de voir les Parisiens se grouper par
milliers pour aider le prince hier haï et devenu chéri dès l’instant où il se
trouva en très grand péril, car ainsi va parfois généreusement le cœur du
peuple.
Deux des plus grands chefs militaires de l’histoire
du royaume de France allaient s’affronter en la dernière grande bataille de la
Fronde mais en un rapport de forces très inégal : le prince de Condé
disposait de cinq mille hommes, dont des soldats espagnols, le maréchal de
Turenne de plus de douze mille et d’un armement considérable.
Mais, perdu pour perdu, le prince avait choisi
son terrain en un trait de pur génie militaire. Paris lui étant fermé, les
canons de la Bastille, au-dessus de lui, inutiles et muets en raison de la
neutralité des échevins, il disposait cependant d’un atout : devant la
Porte Saint-Antoine où attendait son armée partaient trois rues, celle de Charonne,
celle du Faubourg Saint-Antoine et la rue de Charenton selon une orientation
nord-sud en cet énoncé.
En chacune de ces rues, les Condéens avaient
élevé solides barricades et utilisé d’anciens retranchements tandis que
monsieur de Turenne se trouvait dans l’obligation de fractionner ses troupes en
trois, incapable, en ces conditions, de donner le solide coup de boutoir qui
eût balayé les Frondeurs.
Pendant des heures, en ces trois rues, Turenne
envoya charger sa cavalerie contre les barricades et, chaque fois, elle fut
repoussée, le prince se trouvant au tout premier rang, l’épée à la main.
On ne comptait plus les cadavres, mais l’armée
du prince ne reculait point, occupant les maisons voisines, faisant percer des
trous en les murs et y plaçant des tireurs quand les fenêtres ne suffisaient
point. De mémoire de Parisiens, qui regardaient la bataille sous les murs de la
ville, on ne se souvenait pas d’avoir vu chaque pouce de terrain si âprement
attaqué et défendu.
Les chefs condéens se multipliaient en tout
point, et particulièrement le duc de Nemours et le baron de Clinchamp. Nerveux,
Condé et La Rochefoucauld se tenaient en une ultime réserve, avec cinquante
grands noms de la noblesse française, place Saint-Antoine d’où partaient les
trois rues en lesquelles se livraient sanglants combats.
Un premier maillon cassa en le dispositif
condéen sous la pression du marquis de Saint-Mesgrin, lieutenant-colonel des
chevau-légers de la reine, épaulé par le propre neveu de Mazarin, Mancini, le
marquis de Nantouillet et la cavalerie. Agacés par la résistance de la
barricade défendue par d’excellentes troupes condéennes commandées par le comte
de Tavannes, lieutenant-général, et Lanques, maréchal de camp, Saint-Mesgrin
lança une charge si violente qu’il emporta les retranchements puis la barricade
de la rue de Charonne, subissant cependant des pertes en raison des tireurs
isolés condéens qui, depuis les maisons, faisaient mouche presque à tout coup. Le
roi et Mazarin, qui suivaient la bataille depuis la colline de Charonne, s’énervaient.
On fit donc donner l’infanterie pour déloger les tireurs embusqués de la Fronde
et chacun eut l’impression d’une forme de guerre nouvelle : on s’entretuait
quartier par quartier, jardin par jardin, maison par maison, étage par étage, se
fusillant à bout portant. Et seule la haine unissait les soldats du royaume des
Lys, qu’ils fussent royaux ou condéens.
Tavannes, le général de la Fronde dont
dépendait l’ensemble de la rue de Charonne, reculait en désordre et bientôt, en
une ultime et très violente charge, Saint-Mesgrin conquit toute la rue, arrivant
le premier à la Porte Saint-Antoine où ne restaient plus que Condé lui-même et
ses cinquante gentilshommes.
Cependant, à la surprise générale, Condé et
ses hauts seigneurs chargèrent la cavalerie royale avec cette violence extrême
qui était la manière du prince. Le marquis de Nantouillet fut tué aussitôt, puis
le marquis de Saint-Mesgrin et
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