Les foulards rouges
Paolo Mancini, neveu de Mazarin, qui venait d’avoir
dix-sept ans.
La panique changea de camp. Sans chefs, la
cavalerie royale tourna bride suivie en toute hâte par les fantassins du
maréchal de Turenne. Réoccupant aussitôt les maisons d’où ils venaient d’être
chassés, les tireurs condéens se postèrent aux fenêtres et meurtrières, tirant
sur les hommes en fuite dont ils faisaient un grand massacre.
Après avoir suivi
sous la conduite de Florenty un long tunnel qui passait sous les murs de Paris,
les Foulards Rouges sortirent discrètement, un à un, par un soupirail de la rue
de Charonne.
Nissac avait compris qu’ici, avec les maisons,
jardins et clôtures, on se livrait bataille de rues et non guerre classique.
D’un sac qu’il portait à l’épaule, Frontignac
sortit des écharpes Isabelle, à quoi se reconnaissaient les soldats de Condé
quand ceux de Gaston d’Orléans se distinguaient par écharpes bleues, les
Espagnols des rouges, les partisans du cardinal des vertes et ainsi de suite
pareillement pour chaque faction.
Le marquis de Dautricourt, ne trouvant point
le procédé conforme aux lois de la guerre, s’attira remarque acide du comte de
Nissac qui, en outre, portait en brassard une jarretière de soie rouge et
dentelle blanche de madame de Santheuil :
— Monsieur, nous ne faisons pas la guerre
mais la guerre civile. Ici, on tue son voisin, son ami, parfois son frère.
Les Foulards Rouges traversèrent
silencieusement un jardin, changèrent d’écharpes et entrèrent au
rez-de-chaussée d’une vaste maison en s’annonçant :
— Service du cardinal !…
La dizaine de Condéens portant l’écharpe
Isabelle, et qui tiraient sur l’infanterie royale en fuite, furent stupéfaits
de découvrir ces hommes et cette femme portant foulards rouges leur dissimulant
le bas du visage mais surtout, de l’épaule à la taille, la large écharpe vert émeraude
de l’armée de Mazarin.
On se battait cruellement, surtout en ces
espaces clos. Nissac avait prévenu de ne point laisser une chance à l’adversaire.
Appliquant la consigne, et tandis que les Condéens tournaient déjà leurs
mousquets vers les Foulards Rouges, ceux-ci détendirent le bras. Sept couteaux
de jet atteignirent les gorges ou les visages de Condéens puis, chaque Foulard
Rouge sortant deux pistolets de sa ceinture, on fit feu sur les survivants. Dès
après, on n’eut point besoin de recourir à l’épée pour achever la besogne.
Du canon de son pistolet, le comte désigna l’étage
au-dessus et les siens le suivirent, y exécutant cinq nouveaux Condéens qui
tiraient dans le dos des troupes royales en retraite.
Redescendant, et s’apprêtant à traverser un
nouvel espace découvert pour gagner la maison suivante, les Foulards Rouges
ôtèrent leurs écharpes vertes – ils préféraient combattre et éventuellement
mourir sous leur couleur – pour passer l’écharpe Isabelle, d’un étrange
brun-jaune clair, qui était couleur des troupes du prince de Condé.
Ils avaient déjà débarrassé de la présence des
Condéens cinq maisons où l’on tirait à revers les soldats du roi.
Croisant le regard de Dautricourt, le comte
lui dit :
— Rappelez-vous Étampes, Corbeil et tous
ces villages autour de Paris. Des villages abandonnés, des maisons saccagées et
brûlées, des centaines de cadavres pourris, des églises profanées, la moisson
perdue. Souvenez-vous de cela, marquis, et vous serez moins ému du sort des
Condéens qui se font spécialité de tirer dans le dos des nôtres, qui sont
loyaux soldats du roi, me semble-t-il !
Condé, en son élan, avait
dégagé et repris toute la rue de Charonne.
Nemours, de son côté, avait refoulé en lui
infligeant de lourdes pertes la cavalerie royale entrée sans grandes précautions
en la rue de Charenton.
Mais, comme on sait, trois artères partaient
de la place située sous la Porte Saint-Antoine, et c’est précisément en la
médiane, la rue du Faubourg-Saint-Antoine, que monsieur de Turenne attaqua en
personne la barricade des Frondeurs commandée par le général-baron de
Clinchamps, brillant gentilhomme lorrain au service de l’Espagne.
Le corps d’armée de monsieur de Turenne avait
grande allure, allant au pas et en ordre parfait. Rien ne lui résistait. Les
retranchements furent pris les uns après les autres, la barricade principale
tomba, le général de Clinchamps fut défait et Turenne avançait toujours lorsque
le prince, une
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