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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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entreprises politiques de son débiteur ? Tel était
pourtant le cas du prince Volterra. Ainsi, vers les pays de Hollande, lui
reprochait-on, preuves à l’appui, d’avoir organisé, en payant grassement les
assassins, la tentative d’assassinat contre Maurice de Nassau, fils du
Taciturne, général en chef des armées et de la flotte, ennemi juré du roi d’Espagne.
    En finançant la Fronde, dans l’intention d’affaiblir
le pouvoir royal au bénéfice de l’Espagne, il poursuivait semblable politique.
    Prenant le dessus sur sa douleur, Volterra
grimaça :
    — Ah çà, aurez-vous le courage, à la fin,
de retirer ce foulard rouge ?
    Nissac s’approcha, tira d’un geste vif et sans
le moindre égard sur le manche de son poignard, l’arme se trouvant toujours
fichée en les chairs du prince. Après quoi, essuyant la lame rougie de sang sur
la cravate de taffetas noir aux broderies d’or de sa victime, le comte répondit :
    — Certainement, prince, je le conservais
par pitié envers toi car si j’ôte ce foulard, et si tu vois mon visage, la
consigne est de te saigner comme un porc.
    Volterra lui jeta un regard paniqué.
    — Ah, n’en faites rien !… Gardez
votre foulard, monsieur !… Gardez-le bien !… Est-il noué comme il
convient ?
    — Je le crois.
    — C’est là fort bonne chose car votre
visage ne m’intéresse point du tout !
    — Prince, es-tu occupé à me signifier que
mon visage serait laid ?
    — Point du tout, monsieur, je n’y
songeais pas même et, en vérité, votre beauté m’indiffère !
    — Voilà qui est fort singulier, prince
Volterra, car en ton hôtel, tout n’est que beauté architecturale ou artistique.
D’où te vient alors ce détachement des jolies choses dont la soudaineté ne
laisse point de m’alarmer ?
    — C’est que, monsieur, si je vous vois, vous
me tuez et si je meurs, je ne pourrai plus songer à votre beauté qui, restant
une énigme, saura hanter mes jours et mes nuits de survivant.
    — Les nuits, voilà qui est beaucoup, prince,
et la chose m’affecte en mon honneur de mâle. Me trouverais-tu, par je ne sais
quelle perversion de ta vue, air féminin, tournure de demoiselle, aspect de
biche tortillant du croupion devant quelque vieux cerf, toi-même, qui es gras
et quinteux ?
    — Ah, je sais bien tout cela quand vous
êtes tout, sauf efféminé et n’avez de la biche que la grâce, par exemple en
votre lancer de poignard.
    — Ainsi, prince, as-tu apprécié ma
manière ?… J’en suis flatté. Veux-tu que, pour ancrer notre amitié certes
naissante mais dont je mesure bien la force, je recommence ?
    — Ce n’est point nécessaire, monsieur !…
Notre belle amitié n’a guère besoin de manifestation extérieure aussi tapageuse
et n’exige aucun gage de cette sorte.
    Nissac s’assit au bord du bureau et, un peu
fasciné, considéra longuement Volterra :
    — Je crois que tu dis n’importe quoi !
    — Si fait, monsieur. Mais mettez-vous à
ma place.
    — C’est que je n’y tiens point trop, prince.
Je sens ta position précaire et ta vie elle-même assez problématique. Il
conviendrait, pour survivre, que tu te taises.
    — Je serai une tombe, monsieur.
    — N’anticipe point trop vite !
    Bâillonné, ligoté, le
prince Volterra assistait impuissant au saccage de trente ans de soins apportés
à ses collections de bijoux et de monnaies anciennes. Des collections
considérées comme figurant parmi les plus belles du monde chrétien.
    Un homme d’allure jeune, désinvolte, mince et
dissimulant comme les autres son visage derrière un foulard rouge, inquiétait
tout particulièrement le prince. Qui pouvait-il être ?… Comment
devinait-il tous ses secrets ?
    Nicolas Louvet, puisqu’il s’agissait de lui, possédait
en effet l’art de débusquer les meilleures cachettes de Volterra, devinant les
cloisons creuses, perçant le mystère des meubles à secrets. Aucun bouton
discret, nul mécanisme caché n’échappait à la vigilance du jeune homme et, bientôt,
quatre gros sacs bourrés de pierreries et de monnaies sans prix furent emportés
après qu’on les eut scellés.
    Avant de quitter l’hôtel particulier, laissant
le prince Volterra et les siens ligotés et grelottants en les jardins, le comte
de Nissac, après un regard désolé sur les lieux, appliqua la dure loi de la
guerre et jeta une torche dans le hall, au bas des grands rideaux.
    On ménageait les
chevaux, lourdement chargés, car

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