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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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basse, son
commis dans son sillage.
    Le comte, un instant, le suivit du regard, se
demandant quel drame, si ce n’est la mort de ses enfants, avait brisé cet homme.
    Puis il se retourna et frappa à la porte de
Mathilde.
    Elle ouvrit presque aussitôt et resta
pétrifiée, les yeux arrondis, la bouche mi-ouverte. Nissac affecta un air
pénétré :
    — Inversant les rôles, il faut, ma fille,
que je me confesse à vous : en un mot, madame, vous me manquiez déjà.
    Hésitant entre le rire, car le comte lui
semblait irrésistible en jésuite, et les larmes, car il ne lui avait jamais
encore adressé compliment si direct, elle songea qu’il était bien dommage qu’elle
fût trop honnête pour feindre l’évanouissement.
    Ils marchaient côte
à côte dans la ville fiévreuse.
    Impuissants, ils virent pendre un homme par la
populace. Le malheureux, la corde au cou, protestait de son innocence avec des
accents de vérité qui ne trompent pas, sauf ceux qui ont décidé de se laisser
abuser. On jeta la corde au-dessus d’une branche, attacha l’extrémité à la selle
d’un cheval puis, fouettant celui-ci qui s’élança, on vit le corps de l’homme s’élever
et s’agiter en tous sens quelques instants sous les cris des habitants de la
rue Palmail qui ne se tenaient plus de joie, hurlant « À mort les Mazarins ! »
    Le comte serra la main de Mathilde de
Santheuil et cette étrange vision d’un ecclésiastique si familier avec une
jolie jeune femme troubla un bourgeois qui n’osa point, cependant, demander d’explication
tant le regard de Nissac, brusquement posé sur lui, le glaçait.
    Partout, des agitateurs et des espions
apostrophaient le peuple. On buvait beaucoup, monsieur le coadjuteur, pour
soigner sa popularité, ayant fait mettre des tonneaux en perce afin qu’on bût à
sa santé et à la mort de Mazarin !
    À Saint-Gervais, un groupe d’excités poussant
une brouette arriva bruyamment, précédé d’un curé fanatique.
    Sous les yeux du comte et de Mathilde, on
renversa la brouette. Des ossements et un crâne roulèrent, tandis que le prêtre
aspergeait d’eau bénite les pauvres restes déterrés de ce protestant mort
depuis cinq ans sans renier sa foi.
    La promenade tourna court avec cette scène
écœurante et, sur le chemin du retour, Nissac et Mathilde de Santheuil
parlèrent peu, tous deux blessés en l’espoir qu’ils plaçaient dans l’avenir de
l’humanité.
    Ils se quittèrent rapidement, sur cette note
triste, la jeune femme lui recommandant d’être prudent.
    À peine eut-il refermé la porte qu’il faillit
revenir sur ses pas, bouleversé à l’idée que Mathilde allait rester seule et
peut-être malheureuse, mais il se ravisa car son devoir, hélas, l’appelait
ailleurs.
    La soirée, il le savait, serait mouvementée et
il n’aurait pas tous ses hommes. En effet, le général des jésuites avait
informé Nissac qu’il lui serait sans doute utile, en un proche avenir, de connaître
les plans fort complexes des carrières et souterrains de Paris. À cet effet, le
comte avait délégué Florenty à Notre-Dame afin qu’il fût instruit des secrets
des sous-sols de la capitale. Choix judicieux car, habitué à courir les chemins,
le faux saunier se repérait mieux que tout autre et apprenait vite.
    Le comte hâta le pas.
    Rue du Bout du Monde, Jérôme de Galand, lieutenant
criminel du Châtelet, l’attendait en compagnie d’un poissonnier qui déplaçait
ses bourriches sur une voiture à bras.
    Nissac fut surpris mais ne le montra guère. Au
reste, l’air grave du lieutenant de police l’avait alerté.
    Le policier le salua brièvement puis, sans un
mot, ôta les couvercles des quatre bourriches. Maîtrisant un mouvement de recul,
Nissac reconnut les quatre têtes coupées des fidèles archers du lieutenant de
police.
    Il alla droit au but :
    — Ce qui signifie ?
    — Un avertissement. Il y a eu un nouveau
crime. Le cercueil de verre, l’habituel rituel. Trop tard, je n’ai vu que de
pauvres os calcinés. La poix, les flammes, tout ce que vous savez déjà.
    Le lieutenant de police criminelle avait les
traits tirés. Il parut au comte brusquement vieilli. Cependant, il sembla à
Nissac qu’une question restait à poser :
    — Un instant. Pour ces gens-là, le danger,
c’est vous. Pourquoi n’est-ce point votre tête qui se trouve en ces paniers ?
    Le lieutenant de police criminelle eut un pâle
sourire.
    — C’est que moi, après trente ans

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