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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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côtés par la violence des eaux, le pont Barbier se disloqua en
plusieurs tronçons qui furent tournés et retournés à maintes reprises dans l’écume.
    Des Frondeurs et de leurs montures, on ne
voyait plus grand-chose. Quelques hommes, une douzaine de chevaux entraînés par
le très fort courant et ceux qui ne périrent point noyés se fracassèrent contre
les piliers du Pont-Neuf ou la statue d’Henri IV, comme si le défunt roi
châtiait lui-même ceux qui s’insurgeaient contre son descendant.
    Parmi les Frondeurs, où se trouvaient
plusieurs gentilshommes, on ne compta aucun survivant.
    Nissac, que ses hommes regardaient avec l’incrédulité
réservée aux demi-dieux, se tenait impavide, sa haute silhouette coiffée de son
chapeau à plumes se détachant sur un ciel tourmenté où se mêlaient le zinc et l’argent.
    Il leva sa main gantée de velours noir et
donna le signal du départ.

24
    Décidé à prendre le climat politique de la
ville, après les tragiques événements du pont Barbier et la mise à sac de l’hôtel
du prince Volterra, le comte de Nissac, en son habit de jésuite, n’attendit pas
plus d’une heure ou deux avant de quitter son repaire de la rue du Bout du
Monde.
    La rumeur allait bon train, déformée comme il
est de coutume. Ici, on prétendait que l’armée du prince de Condé, rien de
moins, avait pillé l’hôtel Volterra. Là, on affirmait, péremptoire, que « le
Mazarin » avait lancé des barges chargées de pierres contre les piliers de
bois du pont Barbier afin d’emporter l’ouvrage. Partout, on évoquait avec
grande frayeur le fait que les assaillants, d’une folle audace et presque
invincibles, masquaient le bas de leurs visages de foulards rouges et le comte
songea qu’il faudrait utiliser de nouveau ce signe qui forçait le respect et
engendrait la crainte.
    Dans tous les cas, on prêtait aux loyalistes
des moyens dont ils ne disposaient guère mais le comte se garda bien d’intervenir
car tout ce qui mettait en valeur l’armée royale contribuait à démoraliser le
camp de la Fronde.
    Le comte marchait depuis un certain temps déjà,
au gré de sa fantaisie. Du moins le crut-il jusqu’à l’instant où il s’aperçut
que de fantaisie, il n’en était point, et pas davantage de hasard, puisqu’il se
trouvait rue Neuve-Saint-Merry.
    Il sourit, émerveillé. Que la pensée qu’on ne
maîtrise point, la pensée sauvage, en quelque sorte ; à moins que ce ne
soit l’instinct, celui de l’animal qui fut blessé et se souvient de l’endroit
où on le recueillit pour le soigner et l’abriter ; ou encore mille autres
raisons qui vous échappent pour mener à l’essentiel, là où votre cœur a fait
étape et votre âme s’est ancrée : voilà qui le laissait rêveur.
    Il hésita. Son habit, cette soutane noire au
col sévère, ce chapeau du plus haut ridicule, risquaient de surprendre et d’amuser
défavorablement. Mais, d’un autre côté, se trouver devant la porte de Mathilde
de Santheuil et n’y point frapper, c’était fournir là matière à regrets
ultérieurs.
    Il hésitait encore lorsqu’une forte main se
posa sur son épaule tandis qu’une voix froide lançait :
    — Il n’est point de sacrements à
administrer en cette maison, ni de démon à chasser les mains étendues pour l’exorcisme.
On n’y signale point non plus de naissance.
    Nissac se retourna et découvrit Joseph et son
commis qui avaient traversé la rue depuis les « Armes de Saint-Merry »
et tenaient discrètement coutelas et poignard pointés en sa direction.
    Si le comte parvint à masquer sa surprise, en
raison qu’il détestait afficher ses sentiments, Joseph n’était point tenu à
pareil pacte et ne dissimula pas son étonnement :
    — Monsieur le comte !… Si je m’attendais !…
    — Je ne suis que jésuite, et point comte.
    Joseph lui adressa un regard rusé et baissa la
voix :
    — Je songeais à vous. Ah, je ne sais
pourquoi l’attaque du palais Volterra et la poursuite sur le pont Barbier m’amenèrent
à telle pensée.
    Le comte, bien qu’il se sût découvert et ne
craignît point d’être trahi, fit une réponse en demi-teinte :
    — Voilà en effet étrange détour de l’esprit,
mon fils. Il faudra bien, un jour, que je vous confesse.
    Le visage de Joseph s’assombrit.
    — Le plus tard sera le mieux ; monseigneur,
je n’ai point toujours été l’homme que je suis aujourd’hui.
    Sur quoi il s’éloigna, la tête

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