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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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s’évanouit
comme une jeune vierge, le vent, la mer, un très vieux château ; es-tu
bien certaine que Paris ne te manquerait point ?
    — Tout d’abord, tu n’as que dix ans de
plus que moi, c’est dire le peu qui nous sépare mais en aurais-tu vingt où
trente, cela ne changerait point les dispositions qui sont en mon cœur ! Ensuite,
tes serviteurs t’aiment et m’aimeront de t’aimer comme je t’aime ; et à
propos, j’aime aussi ton chien assez courageux pour attaquer un sanglier comme
il le fit l’automne dernier, m’a-t-on dit, et cependant j’aime plus encore son
cœur de petite fleur qu’une émotion chavire comme un vent léger couche la
clochette d’un coquelicot. J’aime nos chevaux côte à côte et bien au chaud en l’écurie
quand dehors la nuit est froide, que le vent souffle en fureur sur la lande et
qu’on entend le cri de la chouette. Oh oui, que j’aime le vent, qui a ta
violence, et la mer, qui a ta constance. J’aime ton vieux château que les
siècles n’ont point ébranlé, tout ce temps ruisselant sur ses murs. J’aime tous
tes livres, les latins dont j’ai l’entendement, et ceux écrits en grec, que tu
m’apprendras bien rapidement. Mais surtout, c’est toi que j’aime ! Si je
te perds, j’avancerai en cette mer jusqu’à y disparaître.
    Il l’embrassa avec fougue.

40
    L’homme au masque d’argent était fin politique,
quoiqu’il se gardât d’en faire trop étalage. Il n’empêche, en ces affaires qui
agitaient le royaume depuis tant d’années, il sentait la lassitude qui gagnait
les deux camps. Dès lors, il semblait certain qu’on allait se hâter d’en finir,
presser de part et d’autre les troupes épuisées et aboutir enfin à l’écrasement
total et définitif d’une des deux factions.
    Après cela…
    Il sourit. Il comptait de la famille et des
amis puissants parmi les partisans du roi comme chez les Frondeurs et ne
redoutait rien, quel que fût le vainqueur.
    Ses craintes venaient d’ailleurs, d’un domaine
qui relevait de la passion et l’homme savait qu’il ne pouvait dominer celle-ci.
Pourtant, il s’y était essayé, non sans succès, pendant ces trois dernières
années.
    Il s’étonnait de cette maîtrise qui lui permit
alors de ne plus s’abandonner aux délices du crime, se convainquant de l’horreur
de tous ces jolis corps possédés puis écorchés vifs.
    Il priait plusieurs fois par jour et, sans y
voir contradiction, s’étourdissait de femmes. Courtisanes ou dames de la Cour, servantes
ou Frondeuses effrontées, elles se succédaient en son lit et bien qu’il prît
grand plaisir à les humilier, au moins ne pouvaient-elles y voir matière
criminelle quand, pour sa part, il trouvait ainsi légère compensation à ce
manque définitif : tuer.
    Tuer à petit feu, tuer en lacérant la peau
blanche au stylet, tuer en se laissant bercer par les hurlements des victimes, tuer
en mutilant ce qu’il admirait peu auparavant, tuer pour rendre hideuse la
beauté.
    Tuer pour exister, peut-être.
    Mais il n’y voulut point penser pendant cette
période de lutte avec le diable, ces trois années d’abstinence si pénibles et
dont il ne lui serait point tenu compte au jour du jugement dernier.
    Alors à quoi bon ?
    Pourquoi avoir rappelé ses rabatteurs, récupéré
et détruit les portraits de la belle inconnue afin de ne point être tenté de
succomber à l’envie ?
    Pourquoi s’être interdit de contempler la
statuette où la merveilleuse femme brune lui coupait le sexe à l’aide de
ciseaux d’argent ?
    Lucide, il n’ignorait pas la véritable raison
qui le poussait à renouer avec les horreurs passées.
    Non point tant l’idée de la damnation, car il
savait n’y pouvoir échapper, deviendrait-il un saint… d’ailleurs la chose, des
plus impossibles, le fit sourire.
    Ce qui l’affolait, le poussait vers le mal
absolu, tenait à son pronostic politique : la fin de la guerre civile. Louis XIV,
vainqueur, imposerait l’ordre et le prince de Condé, s’il l’emportait, n’agirait
point autrement. C’en serait terminé des troubles et de ce qui leur fait
toujours escorte : viols, crimes impunis, violences multiples non
réprimées. On installerait en tout le royaume des gens de police, on ferait
partout des exemples, on en reviendrait à la vertu et à la religion. Le voilà
bien, l’ordre, quand le désordre politique où les foules s’exaspèrent est
prétexte à fêtes incessantes, luxure,

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