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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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à cheval, élégamment vêtus, je dis à Charlie, «   Joli travail.
    â€” Plus joli que d’avoir à tuer quelqu’un, acquiesça-t-il.
    â€” Je crois que je pourrais aimer une vie comme ça. Parfois je pense à ralentir la cadence. N’était-ce pas agréable à l’intérieur   ? Avec toutes ces lampes allumées, et l’odeur des vêtements neufs   ?   »
    Charlie secoua la tête. «   L’ennui me rendrait fou. La fille muette surgirait pour la centième fois de son trou et je lui mettrais une balle dans la tête. Ou dans la mienne.
    â€” Cela m’a semblé une occupation de tout repos. Je parie que le vieillard dort chaque nuit sur ses deux oreilles.
    â€” Tu ne dors pas bien la nuit   ? me demanda Charlie avec le plus grand sérieux.
    â€” Non, répondis-je. Et toi non plus.
    â€” Je dors comme une souche, protesta-t-il.
    â€” Tu pleurniches et tu gémis.
    â€” Ha   ! Ha   !
    â€” C’est la vérité, Charlie.
    â€” Hum   », dit-il en reniflant. Il marqua une pause pour ruminer mes paroles. Il voulait en vérifier la véracité, je le savais, mais ne trouvait pas le moyen de m’interroger sans paraître démesurément inquiet. Toute joie en lui disparut alors, et ses yeux évitèrent les miens pendant un moment. Je songeai que nous sommes tous susceptibles d’être blessés   ; tristesse et inquiétude n’épargnent personne.

 
    Nous nous installâmes dans un hôtel branlant et plein de courants d’air, à l’extrême sud de la ville. Il n’y avait plus qu’une chambre de libre, et Charlie et moi dûmes la partager, alors que d’habitude nous faisons chambre à part. Assis devant la cuvette, je sortis ma brosse à dents et ma poudre et Charlie, qui n’avait pas vu mon attirail jusqu’alors, me demanda ce que je fabriquais. Je le lui expliquai, et lui fis une démonstration, après quoi j’inspirai profondément. «   C’est très rafraîchissant pour la bouche   », lui dis-je.
    Charlie réfléchit. «   Je n’aime pas ça, rétorqua-t-il. Je trouve ça idiot.
    â€” Pense ce que tu veux. Notre docteur Watts m’a dit que mes dents ne se gâteront jamais si j’utilise cette brosse comme il faut.   »
    Charlie demeura sceptique. Il me dit que j’avais l’air d’une bête enragée avec ma bouche pleine de mousse. Je répliquai que je préférerais avoir l’air d’une bête enragée quelques minutes par jour plutôt que d’avoir une haleine fétide toute ma vie, ce qui marqua la fin de notre conversation sur la brosse à dents. À l’évocation du docteur Watts, il se souvint du médicament qui insensibilise, et il alla chercher le flacon et l’aiguille dans ses sacoches. Il voulait l’essayer sur lui, dit-il, et je l’observai tandis qu’il s’en injectait une bonne dose dans la joue. Quand le médicament commença à faire effet, il se mit à se pincer et à se triturer le visage. «   Diable   », dit-il. Il me fit signe de le gifler, ce que je fis, doucement.
    Â«   Je ne sens rien, dit-il.
    â€” Ton visage est flasque comme une crêpe.
    â€” Gifle-moi encore, mais plus fort, m’enjoignit-il, et j’obtempérai. Remarquable, dit-il. Gifle-moi encore, une dernière fois, mais alors de toutes tes forces.   »
    Je pris mon élan et le giflai avec une telle violence que j’en eus des picotements dans la main. «   Celle-là, tu l’as sentie. Tes cheveux se sont dressés. Je pouvais voir la douleur dans tes yeux.
    â€” J’ai reculé sous le choc, mais je n’ai pas eu mal, dit-il, émerveillé. Un homme intelligent pourrait faire bon usage de ce produit.
    â€” Tu pourrais peut-être aller d’une ville à l’autre et gagner ta vie en proposant aux citoyens frustrés de te tabasser moyennant finance.
    â€” Je parle sérieusement. Nous détenons dans ce flacon quelque chose qui rend possible l’impossible. Il y a du bénéfice à faire là-dedans.
    â€” Nous verrons ce que tu penses de ce produit miracle quand les effets se seront estompés.   »
    Sa bouche était distendue, et un long filet de bave

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