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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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regardait, impuissant, à droite et à gauche. Je parcourus la foule du regard, à la recherche de l’homme au garçon sur les épaules, afin de lui adresser une grimace de mépris, mais tous deux avaient disparu.

 
    La femme avait des choses à faire, et s’excusa tandis que je préparais mes sacs. Au moment de partir, l’ayant en vain cherchée dans tout l’hôtel pour lui dire au revoir, je lui fis cadeau d’une pièce de cinq dollars que je cachai sous les draps avec l’espoir qu’elle m’associe dans ses pensées à la notion de lit matrimonial — d’un lit quelconque en tout cas. Ayant surpris mon geste, Charlie déclara qu’il l’admirait mais qu’il était voué à l’échec dans la mesure où même si les draps étaient sales, la crasse continuerait à s’y accumuler, étant donné que la femme n’avait aucun souci de la propreté. «   Tu ne fais que donner cet argent au prochain type qui va dormir dans cette chambre.
    â€” Elle le trouvera peut-être, dis-je.
    â€” Non, et en plus, cinq dollars, c’est trop. Laisse-lui donc un dollar à la réception. Elle pourra faire nettoyer sa blouse et il lui restera assez pour se saouler à mort.
    â€” Tu es jaloux parce que tu n’as pas de bonne amie.
    â€” Cette maniaque du ménage est ta fiancée   ? Mes félicitations. C’est dommage que nous ne puissions pas la présenter à Mère. Elle aurait été si heureuse de rencontrer cette fleur délicate.
    â€” Entre parler avec un sot et se taire, je préfère me taire.
    â€” Elle crache par terre et se mouche dans sa manche   : une vraie dame.
    â€” Me taire   », dis-je, et je le laissai rassembler ses affaires. Une fois dehors, je retrouvai Tub, le saluai et lui demandai comment il se sentait. Il semblait plus vif que la veille, quoique l’état de son œil se fût grandement détérioré, et j’éprouvai de l’empathie pour l’animal. À tout le moins il était résistant. Je m’avançai pour le caresser, mais lorsque ma main toucha son chanfrein, il fit un écart, et je me sentis honteux qu’il fût si peu habitué à la douceur d’un geste. Je me promis de le traiter mieux. Charlie sortit de l’hôtel, et se gaussa de cette scène de tendresse. «   Et voici l’amoureux de toutes les créatures vivantes, lança-t-il. Va-t-il glisser une petite pièce dans le seau de nourriture de sa bête éclopée   ? Je ne m’en étonnerais pas, mes amis.   » Il s’approcha et fit claquer ses doigts de part et d’autre de la tête de Tub. Les oreilles du cheval s’agitèrent et Charlie, satisfait, se dirigea vers Nimble, pour s’occuper de lui. «   Maintenant, on reste dehors jusqu’à la fin du voyage, dit-il. Fini de fainéanter dans les chambres d’hôtel.
    â€” Pour moi, c’est du pareil au même   », lui dis-je.
    Il resta silencieux un instant. «   Ce que je veux dire, c’est que si tu tombes à nouveau malade, je vais devoir continuer sans toi.
    â€” Si je tombe malade   ? Ça, c’est la meilleure. À deux reprises déjà, tu nous as ralentis avec tes excès d’alcool.
    â€” D’accord, disons que nous avons joué de malchance. Ce qui est fait est fait. Mais tout ça est derrière nous, d’accord   ?
    â€” Je ne veux plus t’entendre dire que je suis malade tout le temps.
    â€” Très bien, mon frère.   » Il monta sur Nimble et regarda la route, en direction des étendues sauvages. J’entendis un bruit de métal choquant du verre, et aperçus la femme de l’hôtel, debout à la fenêtre de notre chambre au premier étage tapant au carreau la pièce de cinq dollars qu’elle tenait entre ses doigts. Y ayant déposé un baiser, elle m’adressa un signe de la main. Croisant les bras, je défiai du regard Charlie, dont le visage demeura de marbre   ; il talonna Nimble et s’éloigna. Je rendis son signe de la main à la femme, et elle articula quelques mots que je ne pus déchiffrer, mais que j’interprétai comme des remerciements. Je me remis en marche et pensai à la voix de la femme et à sa chambre vide   ;

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