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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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et comme il était particulièrement corpulent, nous pensâmes qu’il avait peut-être succombé à une attaque, qu’il était alors tombé de cheval et s’était cassé le cou. «   Le cheval a poursuivi son chemin, dit Charlie. Il est probable qu’ils étaient en route pour la grotte. Je me demande ce qu’il aurait fait de nous, cet Indien, s’il nous avait trouvés endormis dans son abri.   » Le cheval noir baissa la tête vers l’Indien et le renifla. À cet instant, je sentis le regard de Tub se poser sur moi. Je décidai qu’il était temps de reprendre notre route. Au début, le cheval noir renâcla à s’éloigner, mais une fois que nous fûmes à quelque distance, il se mit à galoper à bonne allure en dépit du terrain accidenté et de Tub qu’il tractait dans son sillage. Une pluie intense s’abattit sur nous, mais la fraîcheur de l’air avait disparu. Je transpirais, et le nouveau cheval aussi. J’aimais son odeur et sa chaleur. Il était alerte et élégant, je m’aperçus qu’il galopait avec une grande facilité, et même si je me sentais coupable d’y penser, je savais que ce serait un vrai soulagement que de me débarrasser de Tub. Je me retournai pour jeter un coup d’œil sur lui, et vis qu’il faisait de son mieux pour suivre le rythme. Son œil coulait et était injecté de sang   ; il tenait sa tête en l’air sur le côté, comme pour éviter de se noyer.

 
    Lorsque nous arrivâmes à Jacksonville, je me demandai si Charlie allait respecter son vœu de dormir à la belle étoile   ; lorsque je le vis scruter les fenêtres du premier saloon devant lequel nous passâmes, je compris que cela n’était pas le cas. Nous laissâmes nos chevaux à l’écurie pour la nuit. Je dis au palefrenier de ferrer le cheval noir, et lui demandai un prix pour Tub. L’homme approcha sa lanterne de l’œil blessé de Tub, et me répondit qu’il me ferait une proposition le lendemain matin, quand il pourrait mieux le voir. Charlie et moi nous séparâmes dans le centre de la ville. Il voulait boire, et moi, manger. Il désigna un hôtel comme point de ralliement, et j’acquiesçai.
    L’averse s’était arrêtée   ; la lune était pleine et basse, et les étoiles brillaient dans le ciel. J’entrai dans un petit restaurant, m’assis près de la fenêtre, et regardai mes mains posées sur la table vide. Elles étaient immobiles et couleur d’ivoire à la lueur des astres, et je ne ressentis à leur égard aucun attachement particulier. Un garçon s’approcha et posa une bougie sur la table, mettant ainsi un terme au spectacle, et j’étudiai la carte qui était affichée sur le mur. J’avais très peu mangé au petit-déjeuner, même si je m’étais endormi le ventre vide, et mon estomac criait famine. Mais les plats étaient des plus consistants, et lorsque le garçon arriva à ma table, en s’inclinant, son crayon prêt à l’emploi, je lui demandai s’il pouvait me proposer quelque chose de moins riche.
    Â«   Vous n’avez pas faim ce soir, monsieur   ?
    â€” Je crève de faim, lui dis-je. Mais je voudrais quelque chose de moins nourrissant que de la bière, du bœuf et des patates au beurre.   »
    Le garçon tapota son carnet de son crayon. «   Vous voulez manger, mais vous ne voulez pas être rassasié   ?
    â€” Je veux ne plus avoir faim, répondis-je.
    â€” Et quelle est la différence   ?
    â€” Je veux manger, mais pas des choses aussi lourdes, vous voyez   ?   »
    Il dit, «   Pour moi, l’intérêt de manger, c’est de ne plus avoir faim.
    â€” Est-ce que vous êtes en train de me dire qu’il n’y a rien d’autre que ce qui figure sur la carte   ?   »
    Le garçon était perplexe. Il s’excusa pour aller chercher la cuisinière. Elle était débordée et contrariée d’être dérangée.
    Â«   Quel est le problème, monsieur   ? demanda-t-elle en s’essuyant les mains sur ses manches.
    â€” Il n’y a pas de problème. Je me demandais simplement s’il y avait des plats plus légers que ce que vous

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