Les Frères Sisters
réparation.
â Et Williams nâa jamais tenu une arme dans ses mains  ?
â Jâai déjà entendu parler de gentlemen tueurs, mais je nâen ai jamais rencontré.
â Ãa ne mâa pas lâair dâêtre un combat très équilibré. Jâaimerais autant partir tout de suite.
â Si câest ce que tu souhaites faire.  » Charlie sortit une montre de sa poche. Câétait celle du prospecteur quâil avait tué. «  Il est neuf heures passées à présent. Tu peux partir devant avec Tub, et je te rattraperai après le duel, dâici une heure.
â Câest ce que je vais faire  », dis-je.
La femme de lâhôtel frappa à notre porte et entra pour ramasser nos assiettes et nos tasses. Je lui souhaitai le bonjour et elle me répondit gentiment, en posant une main sur mon dos comme elle passait près de moi. Charlie la salua aussi, mais elle fit semblant de ne pas lâavoir entendu. Lorsquâelle fit une remarque sur mon assiette, à laquelle je nâavais pas touché, je posai la main sur mon estomac et dis que jâespérais maigrir, pour des raisons sentimentales.
«  Vraiment  ? dit-elle.
â Quâest-ce que câest que cette histoire  ?  » sâenquit Charlie.
La femme sâétait débarrassée de sa blouse tachée, et lâavait remplacée par un chemisier en lin rouge, décolleté, qui révélait sa gorge et sa clavicule. Charlie lui demanda si elle allait assister au duel et elle répondit par lâaffirmative, ajoutant, «  Vous feriez bien de vous presser, messieurs, si vous voulez une bonne place. Les rues se remplissent vite par ici, et les gens nâaiment pas se pousser.
â Je vais peut-être rester, dis-je.
â Ah  ?  » fit Charlie.
Nous nous rendîmes tous les trois sur le lieu du duel. Tandis que je me frayais un passage à travers la foule, jâeus le bonheur de constater que la femme avait posé son bras sur le mien. Un sentiment de fierté chevaleresque mâenvahit. Charlie fermait la marche, en sifflant une mélodie exagérément innocente. Nous trouvâmes des places tant bien que mal, car comme la femme lâavait annoncé, câétait la foire dâempoigne pour en obtenir une. Je menaçai un homme qui lâavait poussée, et Charlie lança, «  Prenez garde au Gentleman Enragé, messieurs-dames  !  » Tandis que les duellistes faisaient leur apparition, je sentis que lâon me tapait dans le dos, une fois, puis une deuxième. Je me tournai pour me plaindre, et mâaperçus quâil sâagissait dâun homme avec un enfant de sept ou huit ans assis sur ses épaules  : lâenfant me donnait des coups de pied avec sa botte. «  Je saurais gré à votre fils de sâabstenir de me donner des coups de pied dans le dos, dis-je.
â Des coups de pied  ? demanda lâhomme. Cela mâétonnerait.
â Oui, des coups de pied, et si cela se reproduit, je vous en tiendrai pour responsable.
â Voyez-vous ça, dit-il en prenant une expression qui semblait indiquer quâil ne me prenait pas du tout au sérieux. Jâessayai alors de capter son regard, pour lâavertir du péril dans lequel son attitude à mon égard le mettait, mais il se contenta dâobserver par-dessus mon épaule les préparatifs du duel. Je me détournai, bouillant de colère tandis que la femme serrait mon avant-bras pour me calmer, mais désormais en proie à une humeur massacrante, je me tournai à nouveau pour faire face à lâhomme  : «  Quoi quâil en soit, je ne comprends pas pourquoi vous montrez à cet enfant une telle violence à son âge.
â Jâai déjà vu des gens se faire tuer, me dit le garçon. Jâai vu un Indien se faire découper avec un poignard, ses tripes lui sortaient du ventre comme un gros serpent rouge. Jâai aussi vu un homme pendu à un arbre à lâextérieur de la ville. Sa langue était gonflée dans sa bouche, comme ça.  » Lâenfant fit une affreuse grimace.
«  Malgré tout, je pense que câest inapproprié  », dis-je à lâhomme, qui demeurait silencieux. Lâenfant continuait à grimacer, et
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