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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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je me retournai pour regarder les duellistes prendre place dans la rue. Ils étaient facilement reconnaissables   : Stamm le palefrenier n’était pas rasé, son visage était buriné et il portait du cuir et du coton élimé. Il se tenait debout, seul, sans témoin, et fixait la foule d’un regard vide, les bras ballants. L’avocat, Williams, portait un costume gris fait sur mesure, la raie au milieu   ; sa moustache était taillée et lissée. Son témoin, doté de la même allure de dandy, aida Williams à enlever son manteau, et la foule observa l’avocat se livrer à quelques exercices d’assouplissement des genoux. Il pointa un pistolet fantôme sur Stamm, et mima un coup de feu. Devant cette pantomime, des rires étouffés fusèrent dans la foule cependant que le visage de Williams demeurait parfaitement sérieux et solennel. Je me dis que Stamm était saoul ou qu’il l’avait été très récemment.
    Â«   Pour qui êtes-vous   ? demandai-je à la femme de l’hôtel.
    â€” Stamm est un salopard. Je ne connais pas Williams, mais il m’a l’air du même acabit.   »
    L’homme à l’enfant sur les épaules nous entendit, et fit, «   Monsieur Williams n’est pas un salopard. Monsieur Williams est un gentleman.   »
    Je me tournai lentement. «   C’est un ami à vous   ?
    â€” Oui, et j’en suis fier.
    â€” J’espère que vous lui avez fait vos adieux. Il sera mort dans moins d’une minute.   »
    L’homme secoua la tête. «   Il n’a pas peur.   »
    C’était une chose si stupide à dire que j’éclatai de rire. «   Et alors   ?   »
    L’homme balaya mon commentaire d’un geste. Mais l’enfant m’avait entendu   ; il me jeta un regard craintif. Je lui dis, «   Si ton père veut te montrer de la violence, aujourd’hui, tu vas être servi.   » L’homme resta immobile un instant, puis jura entre ses dents, et se fraya un chemin en poussant les gens autour de lui pour voir le duel depuis un autre endroit. J’entendis alors le témoin de Williams apostropher Stamm   : «   Où est votre témoin, monsieur   ?
    â€” Je ne sais pas, et je m’en moque   », répondit Stamm.
    Williams et son témoin se parlèrent en aparté. Le témoin hocha la tête et demanda à Stamm s’il pouvait examiner son pistolet. Stamm répéta qu’il s’en moquait, et le témoin s’empara de l’arme pour en vérifier la mécanique. En donnant son accord d’un bref signe de tête, il demanda à Stamm s’il souhaitait à son tour contrôler le pistolet de Williams, et Stamm répondit que non. Puis Williams approcha, et les deux hommes se firent face. Malgré son air téméraire, Williams ne semblait pas tenir à se battre   ; et comme on pouvait s’y attendre il chuchota quelque chose à l’oreille de son témoin, et ce dernier dit à Stamm, «   Si vous souhaitez vous excuser, monsieur Williams considérera l’affaire close.
    â€” Je ne veux pas, dit Stamm.
    Très bien   », dit le témoin. Il mit les deux hommes dos à dos, annonça vingt pas, et les duellistes se mirent en marche simultanément. Le front de Williams luisait de transpiration, et son pistolet tremblait, tandis que Stamm aurait tout aussi bien pu être en train de se rendre au cabinet d’aisance, tant il avait l’air nonchalant. À vingt, ils pivotèrent et firent feu. Williams manqua sa cible, mais la balle de Stamm toucha l’avocat en pleine poitrine. Le visage de Williams se métamorphosa de manière grotesque sous l’effet de la douleur, de la surprise et, pensai-je, d’un certain sentiment de vexation. Vacillant, il arma son pistolet et fit feu sur les spectateurs. Des cris fusèrent   : la balle avait atteint une jeune femme au tibia, et elle était couchée dans la poussière, se tordant de douleur et se tenant la jambe. J’ignore si Williams se rendit compte de sa déplorable erreur   ; lorsque je regardai à nouveau dans sa direction, il gisait mort sur le sol. Stamm se dirigeait vers le saloon, le pistolet rengainé, ses bras à nouveau ballants. Le témoin restait seul et

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