Les Frères Sisters
mort tardive. La mort courageuse, la mort lâche.
â Quoi quâil en soit, il est affaibli. Je vais lui écrire en lui demandant sâil souhaite venir travailler avec moi.
â Vous êtes proche de votre frère  ? demandai-je.
â Nous sommes jumeaux, dit-elle. Nous avons toujours eu un lien très fort. Parfois, quand je pense à lui, câest comme sâil était là dans la pièce avec moi. Le soir où il a reçu le coup de sabot, je me suis réveillée avec une marque rouge sur la poitrine. Cela doit vous sembler étrange.
â Oui, en effet.
â Jâai dû me donner un coup dans mon sommeil, poursuivit-elle.
â Oh.
â Cet homme, là -haut, câest vraiment votre frère  ?
â Oui.  »
Elle dit, «  Vous êtes très différents, tous les deux, hein  ? Il nâest pas méchant, je crois. Peut-être est-il simplement trop fainéant pour être bon.
â Nous ne sommes bons ni lâun ni lâautre, mais il est fainéant, câest vrai. Enfant, il refusait de se laver, jusquâà faire pleurer notre mère.
â Comment est-elle, votre mère  ?
â Elle était très intelligente, et très triste.
â Quand est-elle morte  ?
â Elle nâest pas morte.
â Mais vous venez de dire quâelle était très intelligente.
â Je suppose que je⦠enfin, pour vous dire la vérité, elle ne veut plus nous voir. Elle nâest pas dâaccord avec notre travail, et dit quâelle ne nous parlera plus tant que nous nâaurons pas trouvé une autre forme dâactivité.
â Et que faites-vous, tous les deux  ?
â Nous sommes Eli et Charlie Sisters.
â Oh, dit-elle. Oh, je vois  !
â Mon père est mort. Il a été tué, et il méritait de lâêtre
â Très bien  », dit-elle en se levant.
Jâattrapai sa main. «  Comment vous appelez-vous  ? Jâimagine que vous avez déjà un homme  ? Oui ou non  ?  » Mais déjà elle sâéclipsait vers la porte en déclarant quâelle nâavait plus une minute à perdre. Je me levai et mâapprochai dâelle, lui demandant si je pouvais lui voler un baiser, mais elle affirma à nouveau quâelle était pressée. Jâinsistai pour connaître la teneur de ses sentiments à mon égard  ; elle répondit quâelle ne me connaissait pas assez bien pour pouvoir se prononcer, et admit avoir une préférence pour les hommes minces, ou du moins pour les hommes un peu moins corpulents que moi. Elle ne disait pas cela pour être cruelle, mais ses mots me blessèrent, et après son départ je restai un long moment devant son miroir, à étudier mon profil, la silhouette avec laquelle je traverse ce monde dâhommes et de femmes.
Â
Jâévitai Charlie tout lâaprès-midi et toute la soirée. Je regagnai notre chambre après le dîner et le trouvai endormi, le flacon de morphine vide renversé sur le sol. Le lendemain matin nous prîmes notre petit-déjeuner ensemble, ou, devrais-je dire, il prit son petit-déjeuner, car jâavais décidé dâen finir avec la gloutonnerie, dans le but de réduire la taille de mon abdomen et dâavoir une allure plus acceptable. Charlie était groggy mais de bonne humeur, et voulait que nous nous réconciliions. Pointant son couteau vers mon visage, il demanda, «  Te souviens-tu dâoù viennent tes taches de rousseur  ?  »
Je secouai la tête. Je nâétais pas mûr pour la réconciliation. Je dis, «  Connais-tu les détails de ce duel  ?  »
Il opina du chef. «  Lâun est avocat, et dâaprès ce quâon dit, il nâa rien à faire dans ce genre dâaffrontement. Il sâappelle Williams. Il est opposé à un palefrenier qui a un passé diabolique, un homme du nom de Stamm. On dit que Stamm va tuer Williams, que ça ne fait pas un pli.
â Mais pourquoi se battent-ils  ?
â Stamm avait engagé Williams pour récupérer le salaire que lui devait un fermier. Lâaffaire est allée au tribunal et Williams a perdu. Quand le verdict est tombé, Stamm lui a demandé
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