Les Frères Sisters
était méchant aussi  ? demandai-je.
â Jâaimais bien Oncle Jimmy jusquâà ce quâil disparaisse avec tout notre argent. Câétait il y a deux semaines. Je ne sais pas sâil est parti vers lâest, lâouest, le nord ou le sud. Papa et moi, on est restés coincés ici, à réfléchir à ce quâon pouvait faire. Comme je disais, il est parti il y a une semaine. Jâespère quâil va revenir bientôt. Je ne sais pas ce qui lui a pris si longtemps. Je vous suis reconnaissant dâavoir partagé votre nourriture avec moi. Jâai failli tuer un lapin hier, mais ils sont difficiles à atteindre, et je nâai pas beaucoup de munitions.
â Où est ta mère  ? demanda Charlie.
â Morte.
â Je suis désolé.
â Merci. Mais elle a toujours été morte.
â Parle-nous de ta bonne amie, dis-je.
â Elle sâappelle Anna, et ses cheveux sont couleur de miel. Je nâai jamais vu de cheveux aussi propres, et elle les a longs jusquâaux pieds. Je suis amoureux dâelle.
â A-t-elle des sentiments réciproques  ?
â Je ne connais pas ce mot.
â Est-elle amoureuse de toi elle aussi  ?
â Je ne crois pas, non. Jâai essayé de lâembrasser et de la tenir dans mes bras, mais elle mâa repoussé. La dernière fois, elle a dit quâelle demanderait à son père et à ses frères de me casser la figure si jâessayais encore. Mais elle changera de chanson quand elle verra mes poches pleines. Les rivières de Californie charrient tant dâor quâil suffit de se tenir là avec son tamis pour le ramasser.
â Tu le crois vraiment  ? demanda Charlie.
â Câétait écrit dans le journal.
â Le réveil va être rude.
â Je nâai quâune envie, câest dây être. Jâen ai assez de rester assis ici à ne rien faire.
â Ce nâest plus très loin maintenant, lui dis-je. La Californie est juste après le col, là -bas.
â Câest par-là que papa est parti.  »
Charlie éclata de rire.
«  Quây a-t-il de si drôle  ? demanda le garçon.
â Rien, répondit Charlie. Il en a sûrement profité pour ramasser quelques kilos dâor. Je suis sûr quâil sera de retour dâici lâheure du souper.
â Vous ne connaissez pas mon papa.
â Ah, non  ?  »
Le garçon renifla et se tourna vers moi. «  Vous ne mâavez pas parlé de votre bonne amie. De quelle couleur sont ses cheveux  ?
â Châtain.
â De la couleur de la boue, lança Charlie.
â Pourquoi dis-tu cela  ?  » lui demandai-je en le fixant mais il ne répondit pas.
«  Comment sâappelle-t-elle  ?  » demanda le garçon.
Je dis, «  Ãa, je ne le sais pas encore.  »
Le garçon remuait la terre avec un bâton. «  Vous ne connaissez pas son nom  ?
â Elle sâappelle Sally, dit Charlie. Et si tu te demandes comment je le sais et pas mon frère, eh bien, il devrait aussi se poser la question.
â Quâest-ce que ça veut dire  ?  » rétorquai-je sur un ton sec. à nouveau, il ne répondit rien. Je me levai et le toisai. «  Quâest-ce que ça veut dire, bon sang  ?
â Je dis ça seulement pour te mettre dans le droit chemin.
â Ãa, quoi  ?
â Que jâai obtenu gratuitement ce que tu as payé cinq dollars, et que tu attends encore.  »
Je mâapprêtais à parler mais me ravisai. Je me souvins dâavoir croisé la femme dans les escaliers de lâhôtel. Elle sortait de la chambre de Charlie, après avoir rempli sa baignoire, et elle était contrariée. «  Quâest-ce que tu lui as fait  ?
â Câest elle qui a proposé. Je nây pensais même pas. Cinquante cents pour une besogne à la main, un dollar pour la bouche, et cinquante cents de plus pour la complète. Jâai pris la complète.  »
Ma tête résonnait. Je me surpris à tendre la main vers un petit pain. «  Pourquoi était-elle si chiffonnée  ?
â Pour ne rien te cacher, sa prestation manquait de savoir-faire.
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