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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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de terre, et les narines et la bouche couvertes d’ampoules   ; sa main ne tremblait pas, et il paraissait à l’aise avec l’arme   : je me dis qu’il avait l’habitude d’en tenir une. En un mot, c’était un jeune homme des plus antipathique   ; je redoutai qu’il n’assassine mon frère si nous ne nous présentions pas, et vite. «   Nous ne te voulons aucun mal, fiston, dis-je.
    â€” C’est ce que ceux d’avant m’ont dit, répliqua le garçon. Puis ils m’ont frappé à la tête et ils m’ont volé toutes mes galettes de pommes de terre.
    â€” Nous ne voulons pas de galettes de pommes de terre, dit Charlie.
    â€” On était faits pour se rencontrer, alors, parce que je n’en ai pas.   »
    Je voyais bien que le garçon était affamé, et je lui proposai de partager notre porc. «   Je l’ai acheté en ville ce matin même, dis-je. Et de la farine, aussi. Ça te ferait plaisir, fiston   ? Un festin de porc et de petits pains   ?
    â€” Vous mentez, dit-il. Il n’y a pas de ville près d’ici. Mon père est parti chercher de la nourriture il y a une semaine.   »
    Charlie se tourna vers moi. «   Je me demande si c’est l’homme qu’on a rencontré sur le chemin hier. Tu te souviens, il était pressé de rentrer pour nourrir son fils   ?
    â€” C’est vrai. Et il venait par ici.
    â€” Est-ce qu’il montait une jument grise   ?   » demanda le garçon, son visage rayonnant soudain d’un pathétique espoir.
    Charlie hocha la tête. «   Une jument grise, oui, c’est ça. Il nous a dit combien tu étais brave, mon garçon, il était très fier de toi. Il nous a dit qu’il était mort d’inquiétude, et qu’il avait hâte de te retrouver.
    â€” Papa a dit ça   ? réagit le garçon, dubitatif. Vraiment   ?
    â€” Oui, il était très heureux d’être sur le chemin du retour. C’est dommage qu’on ait dû le tuer.
    â€” Qu… Quoi   ?   » Avant que le garçon ne recouvrît ses esprits, Charlie lui arracha le fusil des mains et l’assomma d’un coup de crosse à la tête. Le garçon tomba à la renverse dans le chariot, et on ne l’entendit plus. «   Faisons du café sur ce feu   », dit Charlie en enjambant l’attelage.

 
    Cette nouvelle aventure revigora Charlie — cette montée de sang l’avait remis d’aplomb, dit-il  — et il se mit à préparer notre déjeuner avec un enthousiasme rare. Il accepta d’en prélever une part pour le garçon, à condition que j’aille vérifier son état au cas où le coup l’aurait occis. Passant la tête sous la bâche, je me rendis compte qu’il vivait encore. Il était assis, et me tournait le dos. «   Nous sommes en train de faire à manger, lui dis-je. Tu n’as pas besoin de sortir pour en profiter si tu n’en as pas envie, mais mon frère te prépare une assiette.
    â€” Salopards, vous avez tué mon papa, dit le garçon qu’étouffaient ses sanglots.
    â€” Mais non, c’était seulement une ruse pour se débarrasser de ton fusil.   »
    Le garçon se retourna pour me regarder. Il avait une entaille au front, et un filet de sang lui coulait sur le sourcil. «   C’est vrai   ? demanda-t-il. Vous le jurez devant Dieu   ?
    â€” Cela ne veut pas dire grand-chose pour moi, donc non. Mais je le jure sur la tête de mon cheval, qu’en dis-tu   ?
    â€” Vous n’avez jamais vu d’homme sur une jument grise   ?
    â€” Jamais.   »
    Il rassembla ses esprits et s’approcha de moi en grimpant par-dessus les sièges du chariot. Je lui pris le bras pour l’aider à descendre   ; ses jambes chancelaient tandis que nous marchions en direction du feu. «   Tiens   ! Voilà celui qui a frôlé la mort, abandonné de tous, dit Charlie gaiement.
    â€” Je veux mon fusil, dit le garçon.
    â€” Tu vas être déçu alors.
    â€” On te le rendra quand on partira   », dis-je au garçon. Je lui tendis une assiette de porc aux haricots accompagnée de petits pains, mais il n’y toucha pas, se contentant de regarder

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