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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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fers d’un cheval que je ne garde pas   ?
    â€” C’est vous qui m’avez demandé de le ferrer. Maintenant, vous devez payer le service.
    â€” Vous l’auriez ferré de toute façon.
    â€” Ça n’a rien à voir.
    â€” Trente-quatre dollars.   »
    Le palefrenier disparut dans ses quartiers pour aller chercher l’argent. Je l’entendis qui se disputait avec une femme. Il marmonnait entre ses dents, et même si ce qu’il disait me restait inintelligible, je saisissais la teneur du propos   :
Tais-toi
 
! Le bougre dehors est un sot
 
!
C’est alors que Charlie pénétra dans l’écurie. Il avait le teint verdâtre, et s’efforçait de faire comme si de rien n’était. Le palefrenier revint avec l’argent et une bouteille de whisky pour célébrer la conclusion de notre affaire. Je proposai un verre à mon frère, et il manqua tourner de l’œil. Nous parcourûmes une quinzaine de kilomètres sans qu’il remarque le résultat de mes transactions, tant ses propres tourments le tracassaient.

 
    Â«   Où est le cheval noir   ? Comment se fait-il que tu sois encore à monter Tub   ?
    â€” J’ai changé d’avis. J’ai décidé de le garder.
    â€” Je ne te comprends pas, mon frère.
    â€” Il s’est montré loyal envers moi.
    â€” Je ne te comprends pas. Ce cheval noir était unique.   »
    Je dis, «   Il y a quelques jours tu ne voulais pas que je vende Tub. Il a fallu qu’un autre cheval tombe du ciel pour que tu te rallies à mon avis.
    â€” Tu ressors toujours les vieilles histoires quand on n’est pas d’accord. Mais le passé, c’est le passé, et par conséquent, c’est hors de propos. La Providence t’a donné ce cheval noir. Et qu’advient-il à l’homme qui tourne le dos à la Providence   ?
    â€” La Providence n’a rien à voir là-dedans. Un Indien a trop mangé et en est mort. Voilà pourquoi la chance m’a souri. Ce que je veux dire, c’est que si tu as accepté qu’on se débarrasse de Tub, c’est seulement parce que cela t’arrangeait financièrement.
    â€” Je suis donc et saoulard
et
radin.
    â€” C’est qui qui ressasse, maintenant   ?
    â€” Un radin saoulard. Tel est mon triste sort.
    â€” Tu n’es jamais content.   »
    Il tressaillit, comme s’il venait d’être touché par une balle. «   Un saoulard jamais content et radin   ! Je suis anéanti par la cruauté de ses mots   !   » Il gloussa avant, l’instant d’après, de demander, pensif, «   Et combien avons-nous gagné avec le cheval noir, au fait   ?
    â€” Nous   ?   » persiflai-je.
    Nous accélérâmes l’allure. Les malaises de Charlie ne désarmaient pas et à deux reprises il cracha de la bile. Y a-t-il une chose plus pénible que de monter à cheval quand on a bu trop d’eau-de-vie   ? Je dois reconnaître que mon frère endura sa souffrance sans se plaindre, mais je savais qu’il ne tiendrait pas le rythme plus de deux heures, et j’étais certain qu’il allait demander à s’arrêter, lorsque nous distinguâmes au loin des chariots regroupés en cercle au passage d’un col. D’un air déterminé, il dirigea son cheval vers eux mais je savais qu’il comptait les secondes qui le séparaient du moment où il pourrait mettre pied à terre et soulager ses viscères martyrisés.
    Nous contournâmes les trois chariots, mais ne distinguâmes aucun signe de vie, si ce n’est un petit feu qui flambait. Charlie signala notre présence à la cantonade, mais ne reçut aucune réponse. Il descendit de cheval et s’apprêtait à enjamber le système d’attache entre deux chariots pour s’avancer vers le feu lorsque le canon d’un gros fusil émergea silencieusement, telle une vipère, de la bâche de l’un d’eux. Charlie leva les yeux vers l’arme, en louchant légèrement. «   Très bien   », dit-il. Le canon se braqua sur son front, et un garçon d’une quinzaine d’années à peine nous dévisagea avec un rictus railleur. Il avait le regard méfiant et hostile, le visage maculé

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