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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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Je l’ai payée en retour, ou plutôt, devrais-je dire, je ne l’ai pas payée, et elle en a pris ombrage. Il faut que tu saches que je n’aurais pas touché cette fille si j’avais su que tu avais des sentiments pour elle. Mais j’étais malade, tu te souviens, et j’avais besoin de réconfort. Je le regrette, Eli, mais à ce moment-là, je pensais qu’elle était disponible.   »
    J’engloutis le petit pain en deux bouchées et en attrapai un autre. «   Où est la graisse de porc   ?   » Le garçon me tendit la boîte de conserve et j’y trempai le petit pain en entier.
    Â«   Je n’ai rien dit sur tes dollars, poursuivit Charlie, mais je ne voulais pas te voir mourir de faim sans raison.   » Mon sang bouillonnait sous l’effet de la riche nourriture, tandis que mon cœur était accablé par les révélations sur le caractère de la femme de l’hôtel. Je me rassis en mâchant et en broyant du noir. «   Je pourrais préparer plus de porc, proposa Charlie en signe d’apaisement.
    â€” Prépare plus de tout   », dis-je.
    Le garçon sortit un harmonica de la poche de sa chemise, et le tapota contre sa paume.
    Â«   Je vais jouer une chanson à manger.   »



 
    Le garçon nous apprit qu’il avait un cheval caché dans un bosquet tout près, et nous demanda s’il pouvait nous accompagner jusqu’à la frontière californienne. Charlie n’était pas d’accord, mais je n’y voyais aucun inconvénient, et je dis au garçon qu’il avait cinq minutes pour rassembler ses affaires. Il partit et revint avec un cheval, une petite chose chétive sans selle ni autre harnachement, qui avait perdu ses poils par endroits, laissant voir sa chair à vif et ses côtes. Face à nos mines inquiètes, le garçon affirma, «   Je sais qu’il n’a l’air de rien, mais Lucky Paul peut grimper ces pentes escarpées comme une araignée sur un mur.   »
    Charlie me demanda, «   Tu vas lui parler, ou c’est moi   ?   »
    Je répondis que je m’en chargerais, et Charlie s’éloigna. Je ne savais pas comment commencer, mais décidai d’aborder le problème d’un point de vue pratique.
    Â«   Où est ta selle, mon garçon   ?
    â€” J’ai une couverture, et mon rembourrage personnel.   » Il se tapota le derrière.
    Â«   Pas de mors   ? Pas de rênes   ?
    â€” Oncle Jimmy les a emportés avec lui. Dieu seul sait pourquoi. Mais ça n’a pas d’importance. Lucky Paul sait dans quelle direction aller.
    â€” Nous ne t’attendrons pas   », lui dis-je.
    Il donnait un petit pain à son cheval. «   Vous ne comprenez pas, mais vous verrez. Il a mangé, il est reposé et il est prêt à avaler les kilomètres.   »
    Il était sincèrement confiant, et j’espérais que Lucky Paul serait aussi bon galopeur que le disait le garçon, mais ce n’était pas le cas, et nous les perdîmes immédiatement. Le cheval n’avait nullement l’intention d’entamer la longue ascension du col   ; lorsque je me tournai, je vis le garçon en train de frapper le cheval sur la tête et sur l’encolure. Charlie riait tant qu’il faillit tomber de Nimble, et si je ne fus pas, moi-même, sans apprécier tout le sel de l’épisode, bientôt ce divertissement perdit tout intérêt et nous accélérâmes le pas. Nous atteignîmes le sommet enneigé en quatre heures environ. Malgré son œil blessé, Tub ne trébucha pas une fois, et j’eus pour la première fois le sentiment que nous nous comprenions, lui et moi   ; je crus déceler chez lui le désir de s’améliorer, ce qui relevait peut-être du vœu pieu ou d’une fantaisie de ma part, mais telles sont les rêveries du voyageur.
    Le chemin de l’autre côté du col était plus praticable, et avant le crépuscule, nous franchîmes la ligne de neige, et nous installâmes pour la nuit. Le lendemain matin nous dormîmes tard et chevauchâmes tranquillement jusqu’en Californie. Nous pénétrâmes dans une forêt dense de grands pins en fin d’après-midi et arrivâmes devant un petit ruisseau méandreux. Là,

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