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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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à nos pieds coulait ce qui avait poussé des milliers d’hommes et de femmes intelligents à abandonner pour toujours famille et foyer. Nous le contemplâmes tous deux sans un mot. Finalement, n’y tenant plus, Charlie descendit de cheval, s’accroupit au bord du ruisseau, plongea sa main dans l’eau, et sortit une poignée de sable mouillé, qu’il fouilla du doigt.
    Sur la rive opposée, à environ cinq cents mètres en direction du nord, j’aperçus une tente derrière laquelle nous observait un visage barbu et d’une extrême saleté. Je levai la main pour le saluer, et le visage disparut d’un coup. «   Je crois que nous avons là un prospecteur en chair et en os, dis-je.
    â€” C’est plutôt éloigné de tout, comme emplacement, tu ne crois pas   ?
    â€” On dirait. Allons lui rendre visite, pour voir si ses affaires sont bonnes.   »
    Charlie rejeta le sable dans l’eau. «   Il n’y a rien dans ce cours d’eau, mon frère.
    â€” Mais tu n’as pas envie de savoir   ?
    â€” Si tu veux aller le voir, tu n’as qu’à y aller tandis que je fais ma toilette. Mais je ne peux pas perdre mon temps avec chaque curiosité.   »
    Il s’enfonça dans la forêt tandis que je remontais le courant à cheval tout en m’annonçant à la cantonade, mais le barbu ne donna aucun signe de vie. Je remarquai une paire de bottes devant sa tente, et un petit feu de camp   ; une selle était posée par terre, mais il n’y avait pas de cheval en vue. J’appelai à nouveau, sans résultat. L’homme s’était-il enfui pieds nus dans les bois plutôt que de faire part à autrui de ses richesses   ? Mais non, d’après le triste état du camp, je compris que le prospecteur n’avait pas encore goûté à la réussite. C’était un homme avide d’or mais trop couard pour se confronter à ce nid de vipères qu’était la Californie. Il ne trouverait rien, il mourrait de faim, il délirerait avant de trépasser   : je me figurai son cadavre dénudé, picoré par les corneilles. «   L’un de ces froids matins   », me dis-je.
    C’est alors que j’entendis dans mon dos le bruit d’un fusil qu’on armait. «   Froids matins, de quoi   ?   » dit la voix. Je levai les mains et le prospecteur se mit à rire, se délectant de sa position de force.
    Â«   Un tunnel sous la rivière, dit-il. Tu n’y pensais pas, à ça, hein   ?   » Il me donna un violent coup dans la cuisse avec le bout de son fusil, et je commençai à me retourner. «   Regarde-moi, je vais t’exploser la cervelle, salopard, siffla-t-il entre ses dents.
    â€” Calmons-nous, dis-je. Je ne te veux aucun mal.   »
    Il me redonna un coup dans la jambe. «   Peut-être que moi, si, tu y as pensé, à ça   ?   » Il partit d’un rire strident et désabusé, et je songeai qu’il était fou ou en passe de le devenir. Je fus contrarié de devoir admettre que Charlie avait eu raison de laisser l’homme tranquille. «   T’es chasseur, c’est ça   ? demanda-t-il. Tu traques l’ourse rousse   ?
    â€” Je ne suis au courant de rien en ce qui concerne cet ours, dis-je.
    â€” Il y a une ourse rousse, dans les parages. Mayfield offre cent dollars à celui qui la tuera, et du coup les chasseurs veulent à tout prix sa peau. Je l’ai aperçue à trois kilomètres d’ici vers le nord, hier matin. Je lui ai tiré dessus, mais j’étais trop loin.
    â€” Cette histoire ne m’intéresse en aucune façon, et je ne connais personne qui s’appelle Mayfield.   »
    Il me donna à nouveau un coup sur la jambe. «   Est-ce que tu essaies de me faire croire que tu n’étais pas avec lui à l’instant, fils de pute   ? Et qu’il n’était pas en train d’examiner le sable du lit de ma rivière   ?
    â€” Tu parles de mon frère, Charlie. Nous arrivons de l’Oregon et nous dirigeons vers le sud. Nous ne sommes jamais passés par ici, et nous ne connaissons personne dans le coin.
    â€” Mayfield, c’est le grand patron dans la région. Il envoie des hommes saccager mon campement quand je

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