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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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  ! Heureusement, la femme ne s’en formalisa pas. «   Oui, j’ai une chambre ici, mais parfois je dors dans une autre, quand il y en a de disponibles, parce que cela m’amuse.
    â€” En quoi est-ce amusant   ? m’enquis-je. Ne se ressemblent-elles pas toutes   ?
    â€” Elles se ressemblent en apparence. Mais en vérité les différences sont notables.   »
    Je ne savais pas quoi répondre. L’eau-de-vie m’implorait de continuer à palabrer, mais alors que j’ouvrais la bouche pour articuler quelque chose, une sagesse inespérée s’empara de moi, et je resserrai les mâchoires en gardant le silence. J’étais en train de me féliciter intérieurement quand la femme se mit à chercher du regard un endroit pour se débarrasser de sa cigarette. Je proposai de m’en charger et elle déposa le mégot fumant dans ma paume ouverte. J’écrasai le bout incandescent entre mes doigts tout en continuant à la regarder calmement, dans l’espoir, j’imagine, de l’impressionner par ma capacité à endurer la douleur, qui a toujours été au-dessus de la normale   : Arrête de boire de l’eau-de-vie   ! Je mis la cendre et le papier calciné dans ma poche. L’attention de la femme n’en fut pas affectée et demeura distante. Je dis, «   Je ne sais que penser de vous, madame.
    â€” Que voulez-vous dire   ?
    â€” Je n’arrive pas à savoir si vous êtes heureuse, triste, folle ou autre chose.
    â€” Je suis malade.
    â€” Malade comment   ?   »
    Elle sortit de la poche de sa robe un mouchoir maculé de sang, qu’elle exhiba avec un amusement macabre. Mais je ne pris pas la chose à la légère   ; en vérité, la vue des taches me révolta. Sans réfléchir, je lui demandai alors si elle était mourante. Son visage s’assombrit, et je me confondis en excuses   : «   Ne me répondez pas. J’ai trop bu. Me pardonnerez-vous   ? S’il vous plaît, dites-moi que oui.   »
    Elle n’en fit rien, mais elle ne sembla pas non plus me tenir rigueur de mes propos, et je décidai de poursuivre comme si je n’avais pas commis d’impair. Aussi naturellement que je le pus, je demandai, «   Où allez-vous à présent, sans indiscrétion   ?
    â€” Nulle part en particulier. Il n’y a pas d’autre endroit que cet hôtel, la nuit.
    â€” Eh bien, dis-je en faisant un claquement de langue, on dirait que vous m’attendiez ici.
    â€” Non.
    â€” Vous avez laissé la porte entrouverte, afin que je puisse vous suivre.
    â€” Non.
    â€” Moi je crois que si.   »
    J’entendis un craquement dans le couloir   ; la femme et moi nous tournâmes et vîmes un trappeur qui se tenait debout, en haut de l’escalier. Il était en train de nous surveiller, et son visage était renfrogné. «   Tu devrais regagner ta chambre maintenant, lui dit-il.
    â€” En quoi cela te concerne   ? répliqua-t-elle.
    â€” Je travaille pour le patron, non   ?
    â€” Moi aussi. Je discute avec l’un de ses invités.
    â€” Il va y avoir des problèmes si tu continues.
    â€” Des problèmes avec qui   ?
    â€” Tu sais. Avec lui.
    â€” Toi, là, dis-je au trappeur.
    â€” Quoi   ?
    â€” Disparais.   »
    L’homme marqua une pause, puis plongea sa main dans sa barbe d’un noir bleuté, pour se gratter la joue et la mâchoire. Il tourna les talons, redescendit l’escalier et la femme me dit, «   Il me suit partout dans l’hôtel. Je dois fermer ma porte à clé la nuit.
    â€” Mayfield est votre homme, c’est ça   ?   »
    Elle désigna le salon plein de catins. «   Il n’a pas de femme attitrée.   » Comme elle éludait la question, je pris une mine désappointée, et elle ajouta, «   Mais non, nous n’avons pas de lien intime. Ce fut le cas à une époque peut-être.   »
    Le rire tonitruant de mon frère me parvenait à travers la porte. Charlie a un rire stupide et sonore. Il brait plus qu’autre chose. «   Cette ville ne me fait pas grande impression   », dis-je.
    La femme s’approcha de moi. Voulait-elle que je l’embrasse   ? Non, elle

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