Les Frères Sisters
voulait seulement me faire part dâun secret. «  Jâai entendu ce trappeur et les autres parler de vous et de votre frère. Ils ourdissent un plan contre vous. Je nâai pu comprendre exactement de quoi il sâagissait, mais tous les soirs ils boivent, et ce soir ils nâont pas touché une goutte. Vous devriez prendre garde.
â Jâai trop bu pour ça.
â Dans ce cas, vous devriez retourner à la fête. Rester près de Mayfield est ce que vous avez de mieux à faire, je crois.
â Non, je ne resterai pas une minute de plus là -dedans. Je ne veux quâune chose, câest dormir.
â Quelle chambre Mayfield vous a-t-il choisie  ?
â Aucune pour le moment.
â Je vais vous trouver un endroit sûr  », dit-elle en mâentraînant à lâextrême bout du couloir, où elle ouvrit une porte avec une clé quâelle sortit de sa poche. Elle agissait avec précaution pour ne pas faire le moindre bruit, et je me surpris à adopter un comportement similaire. Nous pénétrâmes dans la pièce sombre, et elle ferma la porte derrière nous. Elle me poussa contre un mur et mâordonna de rester immobile pendant quâelle cherchait une bougie. Je ne pouvais pas la voir, mais jâentendais ses mouvements, ses pas, ses mains qui fouillaient dans des tiroirs et qui parcouraient des dessus de table  ; jâaimais la sentir proche de moi, et lâentendre sâaffairer, sans savoir ce quâelle faisait. Je décidai alors que jâavais de lâaffection pour elle  ; jâétais flatté par lâattention quâelle mâaccordait, et songeai quâil ne fallait guère plus pour me rendre heureux.
Elle alluma une bougie et ouvrit les rideaux, laissant pénétrer la lumière de la lune. Câétait une chambre dâhôtel typique, si ce nâest quâelle était poussiéreuse et quâelle sentait le renfermé. Elle mâexpliqua, «  Cette chambre est toujours vide car la clé a été égarée, et Mayfield est trop flemmard pour faire venir un serrurier. Sauf que la clé nâa pas été perdue, câest moi qui lâai prise. Je viens ici parfois quand jâai envie dâêtre seule.  »
Je hochai la tête poliment et dis, «  Oui, eh bien, il me semble évident que vous êtes amoureuse de moi.
â Non, dit-elle en rougissant. Ce nâest pas ça.
â Je le vois bien. Désespérément amoureuse, et incapable de lutter contre. Vous ne devriez pas vous en vouloir, cela sâest déjà produit auparavant. Il semblerait que je ne puisse pas sortir dans la rue sans quâune femme ne vienne à ma rencontre, les yeux enflammés de passion et de désir.  » Je me jetai sur le petit lit et roulai sur le matelas. La femme me trouvait amusant mais cela ne lâempêcha pas de se diriger vers la porte. Je continuai à gigoter, et le lit émit des grincements plaintifs. Elle me dit, «  Vous feriez mieux dâarrêter. La chambre des trappeurs est juste en dessous de nous.
â Oh, arrêtez de parler dâeux. Je mâen moque, et ils ne peuvent rien contre moi.
â Mais ce sont des tueurs, chuchota-t-elle.
â Moi aussi, chuchotai-je en retour.
â Comment ça  ?  »
Quelque chose dans son regard, sa pâleur ou son manque dâassurance, me rendit fou, et une sorte de cruauté ou dâinstinct animal sâempara de moi. Je me levai, et criai, «  La mort nous traque tous, mortels que nous sommes  !  » Ces mots sortaient de je ne sais où, et ils mâinspirèrent prodigieusement. Je mâécartai du lit en titubant, pris mon pistolet, et tirai un coup de feu dans le plancher. La détonation fut assourdissante  ; le son résonna entre les murs, et la chambre sâemplit de fumée  ; horrifiée, la femme tourna les talons et me quitta en fermant à clé derrière elle. Jâavançai à sa suite, repoussai le verrou et rouvris la porte en grand, puis mâassis sur le lit, pistolets à la main, chargés et pointés vers lâentrée de la chambre. Mon cÅur battait la chamade et je me tenais prêt à un combat de tous les diables, mais au bout de cinq minutes mes paupières devinrent lourdes. Au
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