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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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l’air frais du matin. Son rire et l’air frais, pensai-je. Voilà tout ce dont j’ai besoin pour me changer les idées. Il est étrange de songer que ce fut pour moi une aventure, moi qui en ai connu tant, et de particulièrement dangereuses, mais j’étais là, à tenir sa main et à l’aider à avancer sur les planches branlantes   ; la nausée n’était jamais bien loin, mais cela ne fit que rendre encore plus comique, et donc joyeuse, cette péripétie. Le temps d’arriver de l’autre côté de la route, mes bottes étaient couvertes de boue, mais les siennes n’avaient pas la moindre tache, et elle prononça le mot «   Merci   ». En sécurité et au sec sur le trottoir en bois, elle continua à me tenir le bras pendant une demi-douzaine de pas, puis me lâcha pour se recoiffer. Il n’y avait, je pense, aucune raison particulière qu’elle relâche son étreinte, ni qu’elle l’eût fait par souci du bon goût et de la bienséance. Je pense qu’elle appréciait sentir mon bras et qu’elle aurait voulu le tenir plus longtemps. C’est en tout état de cause ce que je souhaitais croire.
    Je demandai, «   Comment ça se passe avec Mayfield   ?
    â€” Il me paie plutôt bien, mais il n’est pas facile à vivre. Il veut toujours avoir raison. C’était un homme bien, avant qu’il ne fasse fortune.
    â€” On dirait qu’il dépense sa fortune à toute allure. Peut-être qu’il redeviendra l’homme qu’il était quand il ne lui en restera plus.
    â€” Il changera, mais il ne sera jamais plus l’homme qu’il était. Il deviendra encore un autre homme. Et je pense que celui-là sera encore moins aimable que celui qu’il est maintenant.   » Je demeurai silencieux et elle ajouta, «   Oui, il n’y a pas grand-chose à ajouter.   » Un moment s’écoula, et elle s’approcha pour me prendre le bras derechef. Je me sentis fier, et je marchai d’un pas plus assuré. Je dis, «   Pourquoi ma porte était-elle fermée ce matin   ? Êtes-vous revenue me voir durant la nuit   ?
    â€” Vous ne vous souvenez pas   ? demanda-t-elle.
    â€” Je regrette, mais non.
    â€” Cela me fait de la peine.
    â€” Allez-vous m’expliquer ce qui s’est passé   ?   »
    Elle réfléchit un moment, et dit, «   Si vous voulez vraiment le savoir, vous vous en souviendrez par la seule force de votre esprit.   » Songeant à quelque chose, elle partit d’un rire cristallin.
    â€” Votre rire est frais comme l’eau vive   », dis-je. Je sentis mon cœur se serrer à ces mots, et j’aurais facilement pu fondre en larmes   : étrange.
    Â«   Vous êtes tellement sérieux tout à coup, me dit-elle.
    â€” Pas seulement   », dis-je.
    Lorsque nous atteignîmes l’extrémité de la ville, nous franchîmes une autre rangée de planches, et reprîmes la direction de l’hôtel. Je pensai à ma chambre, au lit dans lequel j’avais dormi   ; j’imaginai l’empreinte que mon corps avait laissée sur les couvertures. Soudain, je me souvins, et m’exclamai, «   C’est l’homme en pleurs   !
    â€” Qui ça   ? demanda la femme.
    â€” L’homme que j’ai aperçu par la fenêtre et qui me disait quelque chose. Je l’ai rencontré dans l’Oregon il y a quelques semaines. Mon frère et moi venions de quitter Oregon City et nous avons rencontré un homme seul qui marchait en tenant son cheval par la bride. Il était en grande détresse, mais n’a pas accepté notre aide. Sa peine était profonde et lui avait fait perdre la raison.
    â€” Avez-vous pu remarquer si les choses s’étaient améliorées pour lui   ?
    â€” Apparemment pas.
    â€” Pauvre hère.
    â€” Il voyage à bonne allure pour un homme désespéré qui marche à pied.   »
    Elle s’arrêta un instant, et lâcha mon bras.
    Â«   Hier soir vous avez évoqué des affaires pressantes à San Francisco   », dit-elle.
    J’acquiesçai   : «   Nous sommes à la poursuite d’un homme du nom de Hermann Warm. D’après nos informations, il vit

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