Les Frères Sisters
arrivions en retard, Morris avait reçu lâordre de nous attendre aussi longtemps que nécessaire, et cela ne lui ressemblait guère de ne pas respecter les arrangements convenus. Je proposai dâaller voir les propriétaires de lâhôtel pour vérifier sâil ne nous avait pas laissé de message, et Charlie approuva. Comme je me dirigeais vers la porte, je remarquai, sortant du mur près du lit, un gros entonnoir de couleur foncée à lâintérieur duquel était suspendue une clochette en cuivre. Sur un petit panneau au-dessous on pouvait lire, sonnez la cloche et parlez. Je suivis les instructions et une sonnerie retentit dans la chambre. Charlie sursauta et tendit le cou dans ma direction. «  Que fais-tu  ?
â Jâai entendu parler de ce système dans les hôtels de la côte est.
â Quel système  ?
â Tu vas voir.  » Un instant sâécoula, et une voix féminine étranglée et lointaine sortit des entrailles du bâtiment.
«  Allô, monsieur Morris  ?  »
Charlie se tourna complètement. «  Elle est dans le mur  ? Dâoù ça sort  ?
â Allô, répéta la voix. Vous désirez  ?
â Dis quelque chose  », dit Charlie. Mais, pris dâune inexplicable timidité, je lui fis signe de le faire à ma place. Il obtempéra  : «  Vous mâentendez là -dedans  ?
â Je vous entends à peine. Parlez bien dans lâentonnoir sâil vous plaît.  »
Ravi, Charlie se leva du lit, sâapprocha de lâengin et mit son visage tout entier dans lâentonnoir. «  Et comme ça  ? Câest mieux  ?
â Câest mieux, dit la voix. Que puis-je faire pour vous aujourdâhui, monsieur Morris  ? Je suis soulagée de vous savoir de retour. Nous nous sommes inquiétés quand nous vous avons vu partir avec cet étrange petit monsieur barbu.  » Charlie et moi échangeâmes un regard. Puis, parlant à nouveau dans lâentonnoir, Charlie dit  :
«  Ce nâest pas Morris qui vous parle, madame. Jâarrive de lâOregon pour lui rendre visite. Nous travaillons tous les deux pour la même personne là -bas.  »
La voix demeura silencieuse un instant. «  Et où est monsieur Morris  ?
â Ãa, je ne saurais le dire.
â Nous venons juste dâarriver, dis-je, ne pouvant mâempêcher de prendre la parole.
â Qui était-ce  ? dit la voix.
â Câétait mon frère, dit Charlie.
â Donc, vous êtes deux, maintenant.
â Nous avons toujours été deux, lui répondis-je. Depuis le jour de ma naissance.  » Ni Charlie ni la femme ne comprirent ma plaisanterie, et ils nâeurent aucune réaction, comme si je nâavais rien dit. La voix lança sèchement, «  Qui vous a autorisés à entrer dans la chambre de monsieur Morris  ?
â La porte nâétait pas fermée, mentit Charlie.
â Et alors  ? Vous ne pouvez pas entrer comme ça dans la chambre de quelquâun dâautre et parler dans son appareil.
â Veuillez nous en excuser, madame. Nous avions rendez-vous ici avec Morris il y a quelques jours, mais nous avons été retardés. Dans ces circonstances, nous étions pressés de le retrouver, et avons fait fi du règlement.
â Il ne nous a pas signalé de rendez-vous.
â Il nâavait pas à le faire.
â Hum  », fit la voix.
Charlie poursuivit  : «  Vous disiez quâil était parti avec un barbu. Cet homme sâappelait-il Warm  ? Hermann Warm  ?
â Je nâai pas demandé son nom, et monsieur Morris ne mâa pas mise dans la confidence.
â De quelle couleur était sa barbe  ? demandai-je.
â Câest votre frère à nouveau  ?
â Est-ce que câétait une barbe rousse  ? insistai-je.
â Oui, rousse.
â Depuis quand Morris est-il parti  ? dit Charlie.
â Cela fait quatre jours. Il a réglé la chambre jusquâà demain matin. Quand il a dit quâil nous quittait plus tôt, je lui ai proposé de lui rembourser une partie de son argent, mais il a refusé. Un vrai gentleman, ce
Weitere Kostenlose Bücher