Les Frères Sisters
mystérieuse association avec Hermann Kermit Warm, et à lâabandon de son poste au service du Commodore en tant quâhomme de main et confident de longue date.
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 Abordé par Warm aujourdâhui à lâimproviste, après lâavoir à peine vu pendant près dâune semaine. Jâarpentais le hall de lâhôtel et il a surgi à mes côtés, me prenant par le coude comme un gentleman qui aide une femme à marcher sur un terrain accidenté. Le geste mâa surpris, naturellement, et jâai reculé en sursautant. Il a alors semblé blessé, et mâa demandé, «
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Sommes-nous fiancés ou non
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?
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» Il était neuf heures du matin mais il était ivre, de toute évidence. Je lui ai dit de cesser de me suivre, ce qui mâa surpris tout autant que lui, car même si jâavais eu lâimpression que quelquâun mâespionnait ces derniers temps, câétait un sentiment diffus et je ne me lâétais pas formulé de la sorte jusquâà présent. Mais à son expression coupable, jâai compris quâil mâavait suivi, et jâétais heureux dâavoir été ferme avec lui. Il mâa demandé de lui prêter un dollar, et jâai refusé. Il a alors soulevé son haut-de-forme usé et poussiéreux, et sâest acheminé vers la sortie de lâhôtel, les pouces accrochés au revers de sa veste et la tête fièrement rejetée en arrière. Il est passé sous lâauvent et a fait un pas dans la rue. Dans la douce chaleur du soleil il a étiré les bras de plaisir, comme pour sâimbiber de lumière. Des chevaux tiraient un chargement dâordures au sommet de la colline et Warm a sauté nonchalamment à lâarrière de la charrette, avec une telle agilité que le conducteur nâa rien remarqué. Warm ne manquait pas de prestance, je ne peux le nier
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; pourtant il avait beaucoup moins bonne allure que la première fois que je lâavais vu, non seulement à cause de lâalcool mais aussi parce quâil ne prend guère soin de lui dâune manière générale. Il sent affreusement mauvais. Je ne serais pas surpris sâil mourait avant que ces deux gars dâOregon City nâarrivent pour le descendre.
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 Lâune des journées les plus étranges que jâaie passées depuis que je suis ici. Ce matin, Warm mâattendait à nouveau dans le hall. Je lâai remarqué avant quâil ne me voie, et jâai eu le temps de constater quâil avait bien meilleure allure. Ses habits étaient propres et reprisés, et il sâétait lavé. Sa barbe était peignée, son visage récuré, et il ne ressemblait plus du tout à lâhomme qui mâavait accosté hier. Lorsquâil mâa vu au pied de lâescalier il a traversé le hall avec précipitation et mâa pris la main en me présentant ses plus sincères excuses pour sa conduite de la veille. Je les ai acceptées et il en a paru sincèrement touché, ce qui mâa touché à mon tour, ou qui mâa, du moins, interloqué, car jâavais sous les yeux un homme absolument différent de celui que je connaissais si bien. à ma grande surprise, il mâa demandé sâil pouvait mâinviter à déjeuner, et même si je nâavais pas faim, je me suis laissé tenter, curieux que jâétais dâapprendre ce qui était arrivé à cet individu la veille crasseux et déchu.
Nous sommes allés dans un restaurant de son choix, un bouge sans charme dans une cabane brinquebalante, qui sâappelait The Black Skull, où le propriétaire, un homme édenté et puant, avec un cache-Åil à carreaux noir et rouge, a chaleureusement accueilli Warm. Ce douteux personnage lui a demandé comment son travail progressait et Warm sâest contenté de répondre, «
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Brillamment.
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» Je nâai pas compris grand-chose à cet échange, mais le propriétaire a éclaté de rire. Il nous a installés à une table au fond de la salle, protégée des regards par un rideau, et nous a apporté deux bols dâun ragoût insipide et une miche de pain à la limite du moisi au goût aigrelet. Nous nâavons jamais eu lâaddition, et quand jâai demandé à Warm
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