Les Frères Sisters

pourquoi je souhaitais vous avoir à mes côtés, a répondu Warm. J’ai besoin d’un associé pour mener à bien ce projet, et je pense que vous êtes l’homme qu’il me faut.
 
» «
 
Mais je suis à l’heure actuelle payé pour vous surveiller parce qu’on veut vous tuer
 
!
 
» me suis-je exclamé. «
 
Oui, c’est un fait, mais permettez-moi de vous demander si le Commodore vous a dit pourquoi il souhaitait ma mort.
 
» «
 
Il affirme que vous êtes un voleur.
 
» «
 
Et qu’ai-je donc volé
 
?
 
» «
 
Ça, il ne l’a pas évoqué.
 
» Et Warm de poursuivre alors avec véhémence
 
: «
 
Il ne pouvait rien dire là-dessus, car c’est un mensonge éhonté. Il veut ma mort pour la simple et bonne raison que j’ai refusé de lui donner le secret de ma solution pour trouver l’or. Il y a six mois, je suis allé le voir à Oregon City, pour lui demander de financer mon voyage en Californie. Je lui ai présenté une démonstration semblable à celle à laquelle vous venez d’assister, après quoi je lui ai fait une proposition que j’estimais des plus généreuses
 
: il paierait pour mettre sur pied une expédition, et, en retour, recevrait la moitié des bénéfices. Dans un premier temps, il a accepté, et m’a promis une coopération et un investissement complets, mais quand j’ai refusé de lui révéler ma recette, il est devenu fou de rage et a braqué un pistolet sur moi. Il était ivre et avait du mal à viser. Il a vacillé, et j’en ai profité pour saisir un presse-papiers sur son bureau et le lui lancer à la figure. Par chance, je l’ai touché en plein front, et il est tombé à genoux. J’ai décampé à toute allure en descendant quatre à quatre les marches tapissées de son escalier, lorsque j’ai entendu sa voix tonner dans mon dos, “Vous ne vous débarrasserez pas comme ça de moi, Warm. Mes hommes viendront vous prendre votre formule de force, et vous remettront à votre place
 
!” Je le croyais volontiers. Et je n’ai pas été surpris lorsque vous êtes arrivé, monsieur Morris. Ce qui m’étonnait, et ce qui m’étonne encore, c’est qu’un gentleman tel que vous puisse choisir de passer sa vie au service d’un tueur et d’un tyran.
 
»
    Son histoire sonnait vrai, d’autant que je me souvenais du pansement que le Commodore avait à la tête six mois plus tôt. Le récit de Warm m’avait laissé interdit, et j’ai arpenté la pièce pendant un moment, en pesant le pour et le contre et en envisageant toutes les possibilités. En désespoir de cause, je lui ai demandé, «
 
Mais qu’attendez-vous de moi exactement
 
? Qu’espérez-vous me voir faire
 
?
 
» «
 
C’est très clair dans mon esprit, a-t-il dit. J’aimerais que vous vous associiez avec moi à cinquante-cinquante. Je souhaiterais que vous investissiez ce que vous avez d’argent dans notre toute première expédition, car à lui seul, le coût de la nourriture anéantirait mes petites économies. J’aurais besoin de votre chambre pour préparer ma solution en grande quantité, et vous m’aiderez pendant ce processus. Puis, vous m’assisterez également dans le travail à proprement parler une fois que nous nous aurons pris nos quartiers sur la rivière. Mais par-dessus tout, vous serez le visage et la voix de toute l’opération, car vous avez ce don pour la communication qui me fait si cruellement défaut. Vous vous occuperez des brevets, des avocats, des contrats et tout cet horrible imbroglio de démarches inventées par l’homme
 
; le genre de choses dans lequel je me prends toujours les pieds de manière épouvantable. Cependant, tout cela viendra plus tard. Dans l’immédiat, nous allons partir tous deux dans les étendues sauvages et tester ma solution. «
 
Et à votre avis, que pensera le Commodore de ma nouvelle allégeance
 
? ai-je demandé. Est-ce que vous comprenez pleinement ce que vous êtes en train de me demander
 
?
 
» S’approchant alors de moi, il a posé ses mains sur mes