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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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aussi peu attirant, voire repoussant   : des chaises et des tables dépareillées étaient éparpillées dans la pièce, et une fumée âcre s’échappait du poêle d’une espèce de cuisine en désordre et manifestement insalubre. Nous n’avions pas faim en arrivant, et rien ne nous ouvrit l’appétit, tant l’air était saturé par l’odeur de viande de cheval. L’homme au cache-œil à carreaux du journal de Morris se tenait dans un coin en compagnie d’une grande femme sculpturale étonnamment vêtue d’une élégante robe en soie vert clair qui laissait ses bras nus. Ils avaient l’air de s’amuser, à tel point qu’ils ne remarquèrent pas notre présence lorsque nous prîmes position à leurs côtés.
    La femme était éblouissante, et sa robe n’était qu’un détail. Ses bras étaient si fins et si gracieux que j’eus instantanément envie de poser mes mains dessus   ; son visage, aussi, d’une beauté peu commune, avec son profil indien et des yeux verts dont je ne pus soutenir l’intensité lorsqu’elle les leva sur moi, et j’eus la sensation, quand son regard me transperça, d’être plongé dans un bain d’eau glacée. Après avoir jeté sur nous un coup d’œil machinal, le propriétaire nous fit un signe de tête avant de retourner à leur jeu, que je vais décrire à présent   :
    La femme tendit ses paumes ouvertes. Dans sa main droite elle avait un petit morceau d’étoffe, identique à celle de sa robe, dont les bords étaient ourlés d’un épais fil doré. Je ne saurais dire pourquoi, mais ce bout de tissu dégageait quelque chose de fascinant   ; je le trouvai agréable à regarder, et ne pus m’empêcher de sourire. Je remarquai que le propriétaire était également subjugué et souriant. Quant à Charlie, il fixait la scène du regard, mais sans se départir de son habituelle expression inamicale.
    Â«   Vous êtes prêt   ?   » demanda la femme au propriétaire.
    Il se concentra résolument sur l’étoffe, et son être tout entier se raidit. Il acquiesça et dit, «   Prêt.   »
    Ã€ peine avait-il prononcé ce mot que la femme commença à faire circuler le morceau de tissu dans ses mains, le faisant passer entre ses doigts avec une rapidité et une adresse telles qu’il fut bientôt invisible à l’œil nu. Puis, fermant ses poings, elle les tendit au propriétaire avant de lui intimer, d’une voix sourde et monocorde, «   Choisissez.
    â€” Gauche   », dit-il.
    La femme ouvrit sa main gauche   : point de tissu. Elle ouvrit alors la droite et le petit carré vert et doré apparut   ; elle l’avait bouchonné pendant sa manipulation, mais il était en train de se déplier. «   Droite   », dit-elle.
    Le propriétaire tendit un dollar à la femme et dit, «   Encore.   »
    Ouvrant la paume de ses mains, la femme demanda alors, «   Êtes-vous prêt   ?   »
    Il acquiesça. Le jeu reprit mais, cette fois, je me concentrai plus intensément. Le propriétaire dut le remarquer, car lorsque la femme tendit ses poings fermés, il me proposa de choisir. Persuadé de savoir où se trouvait l’étoffe, je fus ravi de prendre part au jeu. «   C’est là, dis-je. Dans la main droite.   » La femme ouvrit le poing, qui était vide. «   Gauche   », dit-elle. Je cherchai un dollar dans ma poche, pour jouer à mon tour.
    Â«   Je n’ai pas encore fini, protesta le propriétaire.
    â€” Laissez-moi jouer juste une fois.
    â€” Vous venez de le faire.
    â€” Jouons à tour de rôle.   »
    Il émit un grognement. «   Pour l’instant elle est prise avec moi. Vous aurez votre tour quand j’en aurai fini, mais dans l’immédiat j’ai besoin de me concentrer.   » Il se retourna vers la femme, en lui tendant à nouveau un dollar. «   Allez-y   », dit-il, et ses mains se mirent à se mouvoir avec dextérité. Acceptant mon rôle de simple spectateur, je restai aussi attentif que possible aux mains de la femme. Je ne pense pas m’être de ma vie autant concentré sur une chose en

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