Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
Vom Netzwerk:
hésitait. Ce chapitre-là lui brûlait les doigts. Il évoquait l’enfer.
    — Le sel, disait-elle. Si ce sont des faux sauniers qui ont commis ce crime, il nous faut aussi creuser dans cette direction.
    Cette piste-là attirait M. de Lautaret. Son oeil se faisait plus vif. Il lissait sa moustache entre son pouce et son index. Sur les conseils de Delphine, il finit par écrire à M. de Chabas, à solliciter l’accès à ses informations.
    Un matin, alors que des retours d’automne bousculaient le froid de l’hiver, qu’un maigre soleil huilait dans un ciel neuf les branches tordues des arbres, que l’air qu’on respirait avait perdu son goût de givre pour garder seulement une fraîcheur de torrent, il prit son chapeau, son épée et sella son cheval. Son regard, son sourire, reprenaient de l’éclat.
    — Je suis la piste de la canaille à la cicatrice, dit-il. Je vous laisse Mme de Saintonges.

    2.
    Après son départ, Delphine s’en était retournée voir la sage-dame. Plus elle y réfléchissait et plus il lui paraissait évident que la mise à mort de Mme de Saintonges répondait à un rituel précis dont il fallait percer le sens. Elle avait de nouveau fait le chemin jusqu’à la chaumière et, face à la petite vieille, elle avait ressenti le même malaise que l’autre fois.
    — Vous m’aviez parlé du sel, de la symbolique du sel, bénéfique et maléfique à la fois. Je voudrais en savoir plus.
    La vieille sur le perron avait plissé sa figure pleine de rides. Derrière elle, près de l’âtre, une femme était couchée à même le sol, les jambes écartées, et elle geignait doucement en ondulant du bassin.
    — Je ne peux pas te recevoir maintenant. Mais si tu veux des réponses savantes, ce n’est pas moi qu’il faut aller voir mais le chanoine Dubeuldy, à Auxerre, à l’église Saint-Pierre. C’est lui qui m’a tout appris.
    Elle y était allée en carrosse, accompagnée de Jeannette. Elle était descendue devant la tour carrée de l’église gothique de Saint-Pierre, dans ce quartier de vignerons où les pavés étaient cassés par les haquets transportant les vendanges des vignes alentour et salis tous les jours par le crottin des mulets et des chevaux. Des tonneliers travaillaient assis devant leurs boutiques. Des ruelles qui débouchaient sur la place émanait le fumet de cuisines d’auberge. Elle était entrée dans l’église déserte, avait frappé à la sacristie. On l’avait renvoyée vers un petit bâtiment, une ancienne chapelle où le chanoine Dubeuldy, théologien, avait aménagé sa salle de travail et se consacrait à des travaux d’exégèse dont nul ne connaissait la teneur.
    Une servante au visage fermé l’avait tout d’abord repoussée mais elle avait tant insisté que le chanoine avait fini par accepter de la recevoir quelques instants. L’endroit sentait l’huile et le vieux bois. Des images pieuses, des chapelets, de petites statues de la Vierge et des saints reposaient dans des vitrines.
    Dubeuldy était un homme voûté, avec une tête énorme surmontée d’une calotte grise, des lèvres épaisses et luisantes. Il l’accueillit, le sourcil froncé, dans une pièce haute, froide comme un couvent de montagne, garnie d’une simple table, de deux chaises, et d’une petite étagère qui portait une vingtaine de livres.
    — Le sel ? répéta-t-il. Pourquoi vous intéressez-vous au sel, mon enfant ?
    — Je… Je rêve depuis plusieurs nuits que je suis prise dans une tempête de sel et cela me fait peur.
    — Imprudente ! s’exclama le chanoine. Confier ses rêves au premier venu ! J’ai connu des sorcières dénoncées en cela et brûlées vives d’avoir trop parlé…
    — Je ne voulais pas… Je voulais seulement…, balbutia la jeune femme en pâlissant.
    Debeuldy l’observait attentivement. Il passa plusieurs fois le revers de sa main sur ses lèvres épaisses et finit par adoucir son regard.
    — Je vais vous aider parce que le sel est ennemi du diable. Il suffit d’en jeter par-dessus son épaule pour l’éloigner. Quant au soupçon de sorcellerie, soyez rassurée, mon enfant. C’est à l’absence de sel qu’on devine le sabbat et la présence des incubes et des succubes. Votre rêve, de ce point de vue, est la preuve que vous ne besognez pas avec le démon.
    Il sourit enfin, d’un sourire monstrueux qui étirait ses grosses babines.
    — Mais se débarrasser de Belzébuth ne garantit pas pour autant le salut. La colère

Weitere Kostenlose Bücher