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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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Des tics nerveux l’obligeaient à cligner des paupières et à relever le coin droit de la bouche.
    — Je suis désolé, dit Guillaume, permettez-moi de vous présenter toutes mes condoléances. J’ai tout fait, croyez-le, pour…
    — Elle est morte, monsieur, et vous êtes vivant.
    Ils restèrent un instant, l’un en face de l’autre, regard contre regard.
    — Je retrouverai celui qui a fait cela, dit Guillaume d’une voix lente mais ferme. Je vous en donne ma parole.

CHAPITRE IV
    1.
    L’hiver s’installait peu à peu. Les jours s’amenuisaient. Le froid et l’ombre léchaient les murs du château de Mme de Beaumont. Un vent tout en haillons traînait ses nuées sales, arrachait les feuilles sèches des arbres, tissait inlassablement les fumées acides des feux de bois à travers les hameaux engourdis de lumière grise et grasse. Le brouillard amenait le silence, la tyrannie de matins d’anthracite, d’après-midi de cendres et de soirées d’ardoise.
    Et tous les jours, Delphine se levait avec la peur que Guillaume ne lui annonçât la reprise de ses visites à Versailles. Mais il ne parlait pas de partir. Il répétait qu’il n’aurait de repos qu’après avoir réparé sa faute. Pourtant, il n’agissait pas. Il tournait en rond dans sa cage. Il restait des heures à guetter, près des fenêtres, le moindre mouvement du ciel, le pas tremblé des troupeaux sur les chemins boueux, le jeu des arbres dénudés, maigres et affamés, qui se dressaient sur leurs pattes calcinées et s’efforçaient désespérément de téter le blanc des nuages. Il était toujours dans ses cauchemars de sel, à lutter contre des tempêtes de poudre blanche, à suivre les traces désespérées de sentiers de faux sauniers qui finissaient par s’emmêler comme les fils d’une pelote, à courir après des Vierges phosphorescentes sans visage et sans mains qui l’emmenaient vers des trous noirs où l’eau du fleuve se vidait. Alors, Delphine tentait de le sortir de cette torpeur.
    — Nous mènerons l’enquête de concert, comme les autres fois, lui avait-elle dit en se procurant ces grands cahiers à marge rouge qu’elle affectionnait.
    Et elle avait entrepris soigneusement de consigner les faits relatifs à la mort de Mme de Saintonges. Elle s’efforçait de noter le moindre détail. La méthode, inaugurée lors de l’affaire du Chat botté et des meurtres de la vallée de la Blanche, reprise au cours de l’aventure du Mississippi, avait déjà fait ses preuves.
    Le sel pouvait les séparer ou les rapprocher, avait dit la sage-dame. Quel meilleur moyen de le garder près d’elle que de se lancer ensemble à corps perdu dans l’enquête sur l’assassinat de Mme de Saintonges ? Quel plus sûr procédé pour écarter le danger qu’elle sentait sourdre ? Elle avait fait un rêve étrange qui la hantait. Ils étaient l’un et l’autre à la fenêtre de deux carrosses lancés à vive allure sur deux chemins parallèles. Ils se souriaient à travers les portières et puis, soudain, les routes bifurquaient. Les voitures s’en allaient chacune de son côté. Elle le voyait s’affoler, donner ordre au cocher d’arrêter, tenter même de sauter en marche, mais les deux carrosses s’éloignaient. Celui de Guillaume n’était plus bientôt qu’un petit point à l’horizon. Le sien montait vers le soleil.
    — Alors ? demandait-il en soulevant ses lourdes paupières. Où en êtes-vous de vos réflexions ?
    Elle rougissait légèrement, croquait du bout des dents des gaufres et des oublies, le regardait au fond des yeux pour mesurer les dégâts intérieurs que provoquait tout ce sel qu’il avait absorbé. Elle avait ouvert trois chapitres qui étaient, selon elle, autant de pistes.
    — Nous devons chercher du côté de Mme de Saintonges, creuser son passé, rencontrer ses amies et retrouver la trace de cette femme qui vous a abordé. L’homme que vous avez abattu constitue une deuxième piste. Qui est-il et d’où vient-il ? Cette étrange cicatrice qu’il portait peut aider à retrouver sa trace.
    Elle parlait d’un ton docte, son index levé et sa taille cambrée. Elle écrivait de même en s’appliquant, la bouche légèrement ouverte, la main gauche posée à plat sur le maroquin. On entendait crisser la plume sur le papier. Elle y mettait une énergie et une concentration qui, dans sa torpeur, l’amusait.
    — Et votre troisième chapitre ? demandait-il par politesse.
    Elle
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